Forum définitivement fermé. Merci pour cette belle aventure. <3
B L O O M into me
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FORUM FERMEdéfinitivement. merci pour les souvenirs !
l'amour fleurit et flétrit, il est comme une fleur qui passe et trépasse avec le temps. l'amour ne dure qu'un instant, qu'un moment ; c'est ce qu'on dit, qu'il est éphémère, comme la vie, comme la pluie. et pourtant, malgré ce moment si court durant lequel on aime, cela peut suffire à tuer ; et ça vous rend malade, d'aimer sans être aimé en retour, et ça vous tue le coeur et l'âme - littéralement. vous avez envie de vous échapper, d'arrêter ça, et c'est votre poitrine qui se gonfle, vos poumons qui s'emplissent ; et vous toussez, encore et encore. et ce sont des pétales de fleurs qui tombent lourdement sur le sol pâle. auckland. juillet 2023, hiver. Lire la suite
21.07.23réouvertue du forum, recensement, et petit évent (www)04.01.23fermeture temporaire du forum, ceci dit, on revient vite !10.08.22nous soufflons nos bougies à plein poumons et souhaitons un bon anniversaire à bloom et qui dit anniversaire dit nouveautés (www)01.08.22tous des stars grâce à insta(r)gram (www)27.06.22les choses se compliquent et les rumeurs voient le bout de leur nez (www)13.06.22nouvelle màj dit nouvelles informations à retrouver juste ici14.02.22on profite de la joie, de l'amour et de la nourriture gratuite pour la saint valentin (www)26.01.22tom cruise en sueur, le forum réouvre pour sa V3 avec son lot de news à retrouver ici.27.10.21tou beau tout chaud, prêt à braver la chaleur de l'été, voici les nouvelles juste ici10.08.21bloom ouvre ses portes ❤
Les vagues s'embrasent, déferlent et s'abandonnent à même le sable dans lequel Anthéa a les pieds. Enfonce la voute plantaire, sent la fraîcheur des cristaux fins lui faire frémir l'échine jusqu'à ne plus supporter. Que le froid vienne léser la peau, l'esquinter et lui arracher une grimace. Déjà tard est la nuit, le crépuscule obscurcit le ciel, le fait vibrer de ses couleurs chaudes et enivrantes. Anthéa finit par dire au revoir à la mer, d'un bref regard sur elle, sur le flot qui continue son cycle perpétuel. Mourir pour mieux revivre. Qu'elle se sent proche de l'océan, Anthéa. Retourne à son domicile. Un petit cottage non loin de son travail, pousse le portillon de bois et marche sur le sol pavé, entre finalement chez elle. Voit encore Astrid sur le sol, Frog entre ses bras, à lire des bouquins, à dessiner, glisser les pierres sur le pelage de son chat. Ici depuis plusieurs jours. Comme d'habitude. Que c'est trop fréquent pour qu'elle soit franchement étonnée de son apparition soudaine. Sans un mot, Anthéa s'installe à son bureau et ouvre un de ses journaux, le parcoure du bout des doigts, le regard qui suit le mouvement des pages. Après un bref silence, Anthéa pivote sur la chaise, dépose ses coudes sur ses genoux et plonge ses yeux sur sa silhouette se dessinant légèrement sous les coins du plaid. Astrid est jolie, a la vie devant elle, une vie qu'Anthéa aurait aimé avoir. Que parfois l'envie lui serre à la gorge, l'empêche d'éprouver une once d'empathie pour ceux se plaignant de ne pas encore avoir trouvé chaussure à leur pied. Qu'elle a envie de leur dire, qu'eux au moins pourront un jour, la trouver. S'ils n'en meurent pas.
T'as fait quoi aujourd'hui ? On a eu un type qui voulait absolument installer un camping sur la plage.
Anthéa se met à rire. Léger son qui s'échappe de son gosier qu'elle râcle, que sa voix soit plus fluette, moins rauque. Astrid lui rappelle sa vie. Celle qu'elle a perdu, qu'elle ne retrouvera jamais. Qu'elle a envie de dire à Astrid d'arrêter. De passer à autre chose. De s'en défaire. Que ça ira mieux. Mais que ça n'ira jamais mieux si elle s'accroche encore et toujours. Que si Astrid ne laisse pas les vagues emporter les sentiments amers, les sentiments qui ne seront jamais rendues, elle finira par se noyer. Sera de retour. Le ventre vide. Le cœur immaculé. Immaculé et désespéré. Que ce sera encore plus douloureux, plus difficile. De voir le monde tourner sans nous. Le dos d'Anthéa s'arrondit, s'abaisse légèrement pour glisser une main à même le plaid, le soulever légèrement pour un peu mieux voir Astrid. N'a pas envie de lui dire de rentrer chez elle, d'affronter, de ne pas abandonner. La laisse ici, ne peut s'empêcher de vouloir la protéger, la sauver. Vient trouver le sol, s'assoit en tailleur pour voir ce qu'elle lit, fronce un peu les sourcils, le nez, découvre son livre entre les mains d'Astrid. Un des premiers. Celui de l'université. Période terrible. Loin d'être en colère, Anthéa dérobe le bouquin entre ses mains, feuillette les pages, s'attarde sur les dessins bancals, les morceaux de pages déchirés, recollés. Qu'elle ne l'a pas lu depuis longtemps. Aurait préféré oublier.
Tu l'as trouvé où ?... T'as tout lu ?
Frappe doucement la tranche du livre sur son crâne en souriant. N'a pas de raison d'être en colère. Que c'est Astrid. Qu'elle peut bien lui raconter. Son histoire.
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Sam 27 Nov - 2:22
Don't go, you're half of me now But I'm hardly stood proud I said it, almost
Poumons pris dans les ronces, coeur à l’envers, vague à l’âme.
Un truc tout con, Artiome qui se prépare à aller ailleurs, passer la nuit ailleurs, et Astrid elle sait, elle devine. Artiome ne dit rien, parce qu’il est jamais assez honnête pour aller jusqu’au fond de ses pensées quand il s’agit d’Astrid. Qu’il lui dit jamais clairement où il va, ce qu’il va faire, avec qui, comme s’il savait que c’était écraser le coeur d’Astrid.
Mais Astrid devine, Astrid n’est pas si stupide.
Un truc tout con, rien qui ne soit grave, rien qui ne soit nouveau, surtout. Parce que c’est arrivé dix fois, cent fois, mille fois, qu’Astrid avait toujours su. Ça lui avait toujours fait mal, c’est vrai. La douleur avait toujours été la même, mais la colère, non. Pas vraiment.
Ça fait longtemps, maintenant, que les fleurs se sont logées dans les poumons d’Astrid. Longtemps qu’elles poussent, la grignotent, l’empêchent de respirer sereinement, d’aimer en secret comme elle aurait aimé le faire. Si longtemps qu’aujourd’hui, pour la première fois vraiment, Astrid se sent mourir. Comme ceux qui sentent que les heures sont comptées, que la fin n’est plus vraiment très loin. Aujourd’hui, pour la première fois vraiment, Astrid voit le bout du tunnel. Elle tousse plus régulièrement, de manière plus intense et plus douloureuse, si bien qu’elle doit parfois s’enfermer dans les toilettes, parce qu’elle crache du sang maintenant, et que plus d’une fois elle a cru qu’elle allait y passer.
Mais jamais tout à fait. Quand elle accepte enfin son destin, accepte ce qu’elle avait redouté, les fleurs rebroussent chemin, la toux s’arrête, le silence revient.
L’angoisse, la peur, le désespoir, la colère, l’ont forcé à s’exiler, vraiment cette fois-ci. Ne pas seulement se cacher derrière la porte de sa chambre. Partir, vraiment. Là où Artiome ne souffrirait pas d’une saute d’humeur, là où elle ne verrait pas la tristesse embrasser ses yeux alors qu’Astrid s’agite, lui reproche des choses qu’il ne comprend pas, parce qu’Astrid attend de lui des choses qu’elle ne devrait pas. Anthéa a été le refuge qui lui est venu à l’esprit, pour plein de raisons. Parce que sa maison est propice à l’isolement, près de la mer. Parce qu’Anthéa est douce, a ce qu’il faut pour calmer le coeur d’Astrid maintenant qu’il est plus meurtri que jamais. Parce qu’Artiome ne la trouvera pas, chez Anthéa.
Elle y est depuis quatre jours maintenant. N’a pas rallumé son téléphone depuis qu’elle a quitté l’appartement, a prévenu son patron qu’elle ne viendrait pas travailler parce qu’elle était trop malade, et il avait bien entendu à sa voix, qu’Astrid n’allait pas bien. Fait la morte, complètement. Se cache, se terre. S’en veut d’inquiéter Artiome.
Anthéa est douce, et quand elle rentre, ce n’est pas pour demander à Astrid pourquoi elle ne rentre pas, pourquoi elle se cache, pourquoi elle ne donne de signes de vie à personne. Quand elle rentre, c’est pour lui parler de ce qu’elle a vu à la plage, lui demander ce qu’elle, elle a vu. Coeur un peu apaisé, ou du moins au repos. Loin des choses qui l’agiteraient trop, du visage d’Artiome qui la fait grimper sur des montagnes russes.
Un camping genre… Il veut camper tout seul ou il veut ouvrir un camping ?
Astrid rit, pose le livre qu’elle lisait sur ses genoux, regarde Frog se lever pour aller saluer sa maîtresse. Coeur qui se serre un peu, parce qu’elle a laissé Pash a la maison, qu’elle voulait laisser un peu d’elle à Artiome. Suit des yeux la jeune femme qui s’installe à ses côtés, le regard un peu coupable quand elle voit les pages un peu vieilles, qu’elle s’en empare, semble en rire, et Astrid rit aussi, frotte le haut de son crâne en grimaçant.
Je voulais pas fouiner, désolée, c’est Frog qui m’a poussé à le faire.. J’ai pas fini, je me suis arrêtée un peu…
Astrid mordille ses lèvres, arrange un peu le plaid sur elle. Regarde les pétales qu’elle a craché tomber au sol, penche sa tête pour appuyer sa joue contre l’épaule d’Anthéa. Forte, large, rassurante. Le genre de bras qui vous protègent, vous étreignent si fort que vents et marées n’arriveraient à vous en détacher.
Tu m’as pas dit, que t’avais été malade toi aussi…
Les mèches écrus s'écrasent contre ses sourcils, dévisagent les contours d'Anthéa, suspendues. Essaie de les retirer, glisse sa main pour venir les plaquer en arrière, mais elles n'en démordent pas. Reviennent toujours, glissent. Rappelle ses propres malheurs, qu'elle n'arrive pas à s'en débarrasser, que ça revient avec violence, comme un relent d'écume si salée que ça en devient abrasif, abîme la peau, laisse des stigmates pour qu'on n'oublie pas. Jamais. Des jours qu'Astrid arpente le carrelage ambré, comme une ombre qui s'efface, se faisant balayer par les rayons du soleil, retournera mourir dans l'agonie. Et c'est ce qu'elle redoute Anthéa. Qu'Astrid se laisse périr, continue la descente aux enfers.
Probablement un camping pour des gens. Il avait l'air complètement à l'ouest. Il avait les pupilles aussi larges que toi quand tu prends tes médicaments.
Grand sourire, petit rire et Anthéa continue d'examiner le livre. De le parcourir. Nouvelle renaissance mais qu'elle aurait préféré s'en passer, de ces nouvelles genèses. Essaie d'arranger les coins qui rebiquent, tordus. Les petites tâches de gras sur les pages lorsqu'elle mangeait tout en écrivant et en dessinant. S'arrête à une page.
j'ai mal au coeur, la douleur ne s'arrête pas qu'à chaque fois que ma cage thoracique se soulève c'est comme si comme si les fleurs les farfadets grignotaient mes organes
qu'est ce qu'il te faut de plus j'ai déjà plus rien pitié je veux juste oublier
Et Anthéa sent sa poitrine s'affaisser, comme si elle s'effondrait. Ferme le chapitre, qu'elle a beau essayé d'oublier ses regrets, ils reviennent toujours. Main dans la main, phalanges qui s'embrassent, là pour les uns et les autres. Pour la faire plier. Lui faire subir. Comme si ça n'avait jamais été assez. Qu'il en fallait plus, finalement. Alors Anthéa sort de sa torpeur, plonge ses yeux dans ceux d'Astrid et se met à sourire à nouveau, hausse légèrement les épaules avant qu'elle ne vienne s'y coller. Auparavant, elle aurait rougit, Anthéa. Aurait aimé la présence d'Astrid. D'une manière plus qu'amicale, probablement. Parce qu'elles divergent mais que d'une manière, elles sont unies. Anthéa n'arrive pas à se résoudre à la fatalité du destin. Trop cruel. Trop abrupt. Qu'elle voudrait sentir une dernière fois le goût des pétales dans sa gorge, lui griffer l'œsophage, briser ses poumons. Une dernière fois, que ça voudrait dire quelque chose.
Je lui avais pourtant dit de pas fouiller mes affaires..
Quitte le visage d'Astrid, abaisse les yeux sur le sol, laisse ses bras pendre par dessus ses genoux, dans le vide. Qu'elle murmure à Astrid, c'est pas grave, qu'elle s'y attendait. Qu'Astrid aime chercher, découvrir, qu'elle aurait d'une façon ou d'une autre, ouvert ses écrits. Volontaire ou non, d'ailleurs. Alors Anthéa tourne la tête vers son amie, lui dégage le visage.
C'est arrivé vite. En à peine quelques mois tu sais.
Déglutit. Laisse la salive cogner entre les parois de sa gorge, ça s'entend, qu'elle essaie de trouver ses mots, Anthéa. Mais qu'elle sait pas. C'est obscur, comme sujet. Ne sait pas l'aborder, l'imager. Arrive seulement à écrire, vomir les mots sur le papier. Ses phalanges viennent frotter ses cuisses, tirent sur les poches de son cargo, s'y attardent. Ne sait pas quoi dire. Mais Astrid lui a parlé de sa maladie. Brièvement. Peut-être que si elle commençait, elle aussi, pourrait laisser-aller. Enfin.
C'était y a deux ans, quand je suis arrivée ici. Mon père habite dans la ville à côté. Y avait cette fille, grande, brune, les yeux clairs, la démarche assurée.-marque une pause, comme si ses poumons ne parvenaient pas à fonctionner-La plus belle fille que j'ai pu voir jusqu'aujourd'hui. Et enfin, tu vois. Des amies, rien d'exceptionnel. Puis les farfadets sont arrivés.
La blonde remonte l'avant-bras, appuie son pouce contre son sternum, l'enfonce légèrement, regarde Astrid. Léger sourire aux lèvres.
Et elle est morte. Quelques semaines après que je lui en ai parlé. J'avais toujours eu l'espoir, que d'une certaine ça marche. Qu'elle finisse par voir, ressentir, ce que je ressens.
Anthéa relâche la pression contre sa poitrine, adosse sa colonne contre le mur et étend finalement ses jambes devant elle, l'arrière de la tête appuyé elle aussi afin d'avoir un appui, de rester assez droite malgré la posture bancale. Comme un relent trop amer dans la gorge. Comme si elle était tombée au beau milieu de l'océan, s'était écrasée à une vitesse telle, qu'elle était morte sur le coup. Avant de se réveiller, encore. Pourtant, ce n'est plus aussi chagrinant d'en parler. Du moins, Anthéa s'en persuade. Que c'est arrivé, qu'on ne peut pas pleurer le passé indéfiniment, que ça finira par nous briser. Préfère aller de l'avant. Alors elle sourit, Anthéa. Laisse sa tempe rejoindre le crâne d'Astrid.
Mais c'est du passé. C'est arrivé c'est comme ça. Et toi alors, tu comptes me balancer c'est qui ton Roméo ?
Astrid est toujours restée évasive. N'en a que peu parler. Qu'Anthéa n'a pas vraiment à chercher à savoir qui c'était, de toute façon.
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Sam 27 Nov - 4:47
Don't go, you're half of me now But I'm hardly stood proud I said it, almost
Curieuse, un peu fouineuse, le coeur qui demande à tout savoir, tout, tout le temps, Astrid examine les pupilles d’Anthéa tandis qu’elle parcourt du regard ce fragment de passé qu’elle semble ne pas avoir vu depuis longtemps. Parcourt les pages, parcourt les mots, les émotions crues qui s’en détachent, qui viennent vous frapper en plein visage, vous attraper les joues et vous forcer à les regarder, les affronter dans ce qu’elles ont de plus brut. Astrid éclate de rire, tend la main pour pincer Anthéa là où elle peut. Renifle, pense à ses cachets qu’elle a laissé à la maison, n’a pris que ceux qu’elle avait au fond de son tote bag, seul bagage qu’elle a apporté. Ne sait pas vraiment comment vont se passer les prochains jours, sans les médicaments, parce qu’elle ne compte pas rentrer de si tôt.
Mais n’importe quoi, ils grossissent pas mes yeux… C’est toi l’illuminée, pas lui, peut-être.
Astrid joue avec le coin du plaid, fixe la jeune femme. Tente d’ignorer le livre qu’elle referme avec douleur, parce qu’Astrid s’en voudrait beaucoup, si elle avait ravivé des choses qu’Anthéa tentait d’oublier. Que ça avait été un accident, au début, l’ouverture du bouquin. Mais qu’elle avait été happée, qu’elle s’était trop retrouvée dans les mots, dans les gribouillis qui décoraient certaines pages pour arriver à le poser. Elle inspire, repose les yeux sur les pétales qui se sont échappés. Repense aux mots qu’elle a lu, à la douleur brève, mais vive, dans les yeux d’Anthéa, s’acharne sur sa lèvre inférieure, comme si elle cherchait à en arracher la peau.
Je voulais pas lire, au début, j’allais le poser, mais c’était joli. Désolée.
Astrid pivote un peu pour mieux voir son amie. Mieux voir les émotions passer dans ses yeux, les mains qui bougent à mesure qu’elle parle, vienne s’accrocher sur ses jambes, dans des mèches un peu trop rebelles, contre sa poitrine, là où Astrid imagine le son d’un coeur qui commence à battre un peu trop fort, un peu trop violemment, si violemment qu’on le sent à travers la peau, à travers la cage si fragile censé le protéger autant que le garder sous contrôle.
Astrid garde le silence, pour une fois. Essaie toujours de capter ce qui passe sur le visage d’Anthéa, comme pour les arrêter, les figer dans le temps, les observer un instant, les chérir un peu, parce qu’Astrid elle aime peindre les émois, les passions, Astrid elle aimerait peindre l’amour - et qu’Anthéa, l’amour, elle l’a connu de la même façon qu’Astrid le connaît aujourd’hui.
Et pourtant, Astrid doit fermer les yeux, comme si la pureté des émotions qu’elle cherchait tant à voir avait fini par avoir raison de ses pupilles, par l’aveugler complètement. Ferme les yeux et écoute, la joue contre l’épaule d’Anthéa. Perçoit les vibrations légères sur l’épiderme lorsqu’elle parle, s’agite un peu, bouge légèrement. Les mèches qui tombent, se perdent sur le visage d’Astrid. Et pendant un instant, une minute, Astrid se laisse engloutir par ce qui semble être son futur, ce que le destin lui a réservé. Se demande pourquoi on l’a fait aimer si fort si c’est pour le lui reprendre par la suite. Se demande si elle aussi elle dira je l’ai aimé, c’est du passé, c’est comme ça. Ravale sa salive essaie d’être courageuse rouvre les yeux soupire.
Je veux bien croire qu’elle était jolie, mais elle avait clairement aucun goût, ça saute aux yeux.
Astrid sourit, un sourire un peu faible, un peu incertain, parce qu’elle n’est pas douée pour consoler, que personne ne lui a jamais montré comment on fait. Elle soulève le plaid, le secoue pour l’étaler aussi sur Anthéa. Regarde les pétales tomber à nouveau, s’envoler, se laisser mourir sur le sol.
Jamais les mots d’Astrid n’ont parlé d’Artiome. Certains s’en doutent, on en parle à mi-mot. Ashton qui, parfois, l’encourage à aller tout lui dire, mais Astrid elle nie. Vit presque comme si elle n’était pas malade, que les sentiments n’existaient pas. Mais si Astrid doit mourir bientôt, elle a envie de parler de lui, une fois, une dernière fois. Libérer son coeur un peu, se dire qu’on l’aura compris, de dire à quelqu’un ce qu’il y a dans ses tripes, ce qui est si fort que des fleurs en ont poussés en elle, ce qui est si fort qu’elle en meurt. Une fois, une dernière fois, avant que l’indifférence teinte sa voix, que ses yeux ne s’allument plus, qu’Artiome ne soit plus qu’Artiome, qu’elle oublie tout ce qui faisait de lui un astre, tout ce qui avait fait qu’Astrid avait laissé la maladie l’emporter.
Il s’appelle Artiome - le type est tellement beau que même son prénom l’est, tu te rends compte ou pas ? Je l’ai rencontré quand j’avais… Onze ans, douze ans… Matthew, tu te souviens de Matthew je t’en ai déjà parlé, l’avait recueilli avant moi. C’était une peste, des fois, et d’autres fois il était adorable. Pas drôle, il faisait des blagues pas drôles, mais bon… Il avait appris deux trois trucs en suédois, quand mon russe était tout pété, je lui avais même pas demander, il l’avait fait de lui-même. Pour me demander d’arrêter de crier, surtout, mais il l’avait fait. C'est lui qui a baptisé Pash.
Astrid sourit, penche un peu la tête en arrière pour mieux voir Anthéa. Glisse ses mains entre ses cuisses, s’arrête un peu parce que le noeud dans sa gorge est trop fort, qu’elle se sent un peu pleurer, parce que les émotions ont toujours plus contrôler Astrid plus qu’elle ne les a contrôlé. Qu’elle les a toujours laissé l’envahir comme si elles étaient maîtresses.
Il me laisse des mots avant de partir au travail… Il aime pas du tout Twilight et il regarde avec moi à chaque fois. Il se comporte comme s’il avait quarante ans, des fois, on dirait un daron. Il a des tâches de rousseurs, quand on regarde bien, un peu comme toi. Y en a sur son épaule qui forment la constellation du cygne, il dit que lui il voit pas mais il voit rien du tout, pour commencer. Je suis sûre qu’il sait même pas à quoi elle ressemble.. Il fréquente plein de filles, comme si j’existais pas, alors que lui c’est tout pour moi, et j’arrive pas à comprendre pourquoi il m’aime pas. C’est pas sa faute, c’est des choses qui se contrôlent pas, mais je vois pas ce qu’elles ont de plus que moi, ce qui l’intéresse pas chez moi. Elles voient même pas un tiers d’Artiome, juste ses gros bras et sa belle gueule.
Serre le plaid, serre le coeur. Astrid en a trop dit, ou pas assez. Ne sait pas si elle est soulagée ou si elle se sent plus misérable. Serre les poings, serre le coeur.
Je crois que c’est bientôt fini, les fleurs. C’est différent de d’habitude, ça fait plus mal. Je sais que c’est bientôt fini. Mais j’ai pas envie de le regarder et de me dire que je l’aime plus. Je me vois pas vivre après ça. Ça fait moins mal, après les fleurs ?
Que c'est humain, de voiler la vérité, jusqu'à qu'elle se meure, qu'on la pense morte. Qu'un jour d'aurore, un jour saint, la vérité revienne. N'a jamais soufflé son dernier soupir, s'est endormie un peu trop profondément, qu'elle se retrouve finalement en face de nous. Comme une silhouette qu'on semble connaître, pourtant méconnue. Puis elle se déferle, s'écrase, piétine. Veut faire savoir qu'elle n'est pas un mystère, que les mystères sont les choses qu'on ignore, dont on ne pourra jamais savoir la vérité. Ses phalanges se plient, le bruit des bulles dans les articulations font écho et elle sourit, Anthéa. Qu'Astrid il lui arrive d'avoir des pupilles aussi grosses que la pleine lune. Que ça se voit, Astrid, que tu vas pas très bien, que c'est pas grave, Anthéa elle te laissera pas, que t'en que t'auras besoin, ses bras seront tiens. Jusqu'à que tu te lasses, que tu ne veuilles plus d'elle, que l'oreille ne soit plus assez compatissante, n'arrive plus à comprendre.
Qu'Anthéa, tu n'as jamais su trouver le réconfort dans les gens autour de toi. Que l'ennui t'a toujours sauté à la gorge, l'a serré jusqu'à que tu suffoques, que les farfadets ne parviennent plus à fuir de leur tombeau, qu'ils s'agglutinent. Te fassent crever. Que ce sont les farfadets qui t'ont condamnés, pas la solitude, pas la peine; le chagrin ni les regrets et toutes ces choses amers qui noircissent l'âme, font fondre le cœur, le font couler, noyer dans son propre liquide.
Relève le dos pour être mieux installer, attrape le plaid pour couvrir ses jambes, observe Astrid. Le corps qui se détend un peu, les mains frêles dont les doigts remuent, touchent Anthéa. Sent l'épiderme palpiter, un peu, que ses mains sont toujours froides. Comme si Astrid périssait déjà, qu'elle ne pouvait rien y faire, Anthéa. Que entre les os de sa cage thoracique, entre les membranes et les muscles, ça se serre, prêt à s'arrêter de pomper le sang pour survivre. Qu'il l'a déjà fait une fois, recommencera peut-être demain. Puis écoute les peines d'Astrid. Entend le purgatoire dans sa gorge, celui qui s'immisce, cogne, condamne. Les vrombissements de sa voix qui s'élèvent, puis s'abaissent, s'envolent, s'esclaffent. Aiment. Que dans ses mots, dans ses histoires, les myriades de détails qu'elle semble apercevoir, comme s'il n'y avait qu'elle, qui pouvait les voir. Qu'Anthéa soulève son bras pour le passer par dessus l'épaule d'Astrid, la ramener contre elle et reste attentive. Les constellations, les écrits, les attentions. Ses sourcils se froncent légèrement, son nez suit le pas et elle laisse sa tête taper contre l'armoire à son dos. Que si les farfadets n'étaient pas en train de détruire Astrid, Anthéa lui aurait dit, qu'il y a bien quelque chose, que ça crève les yeux. Qu'il faut être aveugle, pour ne pas la voir.
Malheureusement de ses poumons grandissent les ombres. Que c'est difficile, de savoir où s'arrête l'amour de l'un pour l'amour de l'autre. Des attentes qu'on superpose sur ceux qu'on aime. Des attentes qui finissent par devenir déceptions, qu'on finit par détester ceux dont le cœur ne bat pas aussi bruyamment, aussi ardemment. Qu'entendre Astrid mourir, ça lui arrache les tripes. Qu'il n'y a qu'elle, pour se sauver de la maladie.
... Brun ? Et russe non ? Des bras aussi gros que les miens ?
Anthéa marque une pause, laisse la salive couler paisiblement dans sa gorge. Parfois, lorsque la nuit s'agite, qu'elle entend la colère du tonnerre gronder, la détresse des vagues qui cherchent à désespérément fuir la rage des cieux lorsqu'elles foulent le sable. Sent encore le métal palper les muqueuses, franchir la barrière de dents pour s'amarrer contre ses lèvres. Laisser le goût amer du passé, des farfadets. D'une main libre elle ramasse la pétale, fait glisser son index et son pouce contre la texture duveteuse, somptueuse.
Pas mon genre.
Sourit à Astrid puis s'écarte, s'assoit en tailleur face à elle, laisse Frog se coucher entre ses jambes, réclamer tendresse comme toujours, que sa paume vienne s'amuser avec les poils du chat. Et elle voudrait lui dire, à Astrid. Que oui, c'est mieux. Qu'on n'a plus à avoir le fardeau des farfadets, de la solitude, de l'ennui, de la colère, de la frustration quant aux attentes qu'on a de l'amour. Que tout ça, ce sera uniquement réservé aux autres maux de la vie. Que ce sentiment là, cette sensation, elle ne sera plus, que c'est libérateur.
Mais ce serait que de mentir, de lui dire ça. Que la frustration, l'ennui, la solitude, la colère, le chagrin, les regrets, la solitude, l'amertume, c'est toujours là. Parce qu'on ne parvient plus à aimer comme autrefois. Que de l'estomac les papillons ne s'envolent plus, que du cœur ne résonne plus l'attraction, que le désir sulfureux des émois amoureux n'existe plus. Qu'Anthéa a vu les bouquets défiler sur sa poigne, qu'elle a vu les farfadets danser sur le sol, en rond, recouvrir les corps jusqu'à qu'ils ne soient plus. Qu'à leur tour, la frustration s'amasse. Devienne perfide. Parce qu'on a toujours l'occasion d'aimer, lorsqu'on est en vie. De tomber amoureux de la signification sur le poignet. D'y arriver. De ne pas se laisse mourir. Mais que parfois, ça ne marche pas, que ce n'est pas notre faute.
Qu'après les fleurs, ça fera toujours mal. De voir ceux dont l'importance a voler nos vies, s'enticher tandis que l'on plie, qu'on crève, qu'on revient, que c'est vide. Juste vide. Qu'Anthéa voudrait aimer encore, encore, encore, pour toujours. Que le plus gros regret de sa vie c'est de s'être laisser périr. Pour une carcasse dont la vie n'était déjà plus. Effacer. Envoler. Que le chagrin a continué son chemin, donné de la force aux farfadets.
Que le sang du cœur s'est frayé un chemin pour s'écouler de sa gorge, les farfadets sur des radeaux qui le traversaient. Comme un long fleuve tranquille. Douloureux. Que la souffrance n'était rien, face à l'abîme qu'ont forgé les farfadets.
Je peux pas te dire, que ça fera moins mal.
Anthéa laisse ses yeux rejoindre le sol, puis retournent à Astrid. Air désolé, le sourire qui n'est plus que vestige. Les phalanges dégage les fines mèches qui chatouillent, pose les coudes sur ses cuisses.
Ce sera encore plus douloureux après. Quand tu vas te réveiller et que tu seras incapable de savoir pourquoi t'as aimé. Que t'auras beau chercher chez les autres les choses qui t'ont autrefois faite frémir, rien ne sera assez pour faire vrombir ton cœur.
S'approche un peu, les genoux qui cognent ceux plus osseux d'Astrid. Voix plus faible, revient poser son ancien journal entre les paumes faiblardes.
Je sais que tu y as déjà pensé. Que c'est pas facile. Mais tu dois faire un choix. Tu peux encore aimer, trouver des choses qui te feront frémir chez d'autres personnes. Tu peux pas attendre d'Artiome quelque chose qui ne viendra peut-être pas. Qui viendra dans trois mois, trois ans, mille ans.
Dépose ses mains sur celles d'Astrid, serre, doucement. Lui faire comprendre. Chagrin certain dans les perles sombres d'Anthéa. Qu'elle a l'impression de se voir il y a deux ans en arrière. A attendre de cette fille qu'elle éprouve enfin quelque chose. Qu'elle a du faire son deuil, que c'était encore plus difficile, d'arrêter d'aimer quelqu'un qui n'était plus là. Ne pas être capable de trouver dans les autres ce qui l'avait faite succomber. Que les silhouettes malicieuses s'en sont chargées.
T'éloigner ne servirait à rien. Venir ici pendant des jours ou des semaines, ça ne changera rien, à ce que t'éprouves. Tu vas juste empirer, parce qu'il te manque, que tu t'accroches aux souvenirs, aux paroles, aux tendresses. Je suis pas une spécialiste Astrid. Mais il n'y a pas de remède miracle, à ça.
Astrid relâche les extrémités de la brune, lui tapote doucement le revers de la main et se relève, s'approche de son bureau pour faire glisser les journaux, les observer. Remémorer les sensations lorsqu'elle les lit. N'arrive plus à s'en souvenir en réalité. Qu'elle sait que c'est vain. Qu'il n'y a rien à faire.
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Dim 28 Nov - 3:22
Don't go, you're half of me now But I'm hardly stood proud I said it, almost
Astrid se complaît dans le silence un instant, celui qui vient après qu’elle ait fini de parler, fini de ressasser ce qui avait fait qu’Artiome avait volé toutes les étoiles du ciel, si bien qu’elle devait se tourner vers lui pour se repérer dans la nuit, qu’elle devait se tourner vers lui pour trouver un semblant de lumière, un semblant de quelque chose, ce qui avait fait qu’il avait éclipsé le Soleil, si bien qu’Astrid était dans le noir complet quand il n’était pas là, qu’Astrid fanait un peu plus à mesure qu’il s’éloignait. Astrid se complaît dans le silence qui la fait réfléchir, elle aussi. Parce que les jours sont comptés, qu’elle le sait, et qu’elle sait aussi que s’il y a une décision à prendre, elle doit la prendre maintenant, dans les heures qui viendront, les jours qui viendront.
Astrid n’avait pas choisi grand chose dans sa vie. Le foyer dans lequel elle a grandi, elle ne l’avait pas choisi. La ville dans laquelle elle était aujourd’hui, elle ne l’avait pas choisi. Le seul vrai choix qu’elle avait jamais fait avait été de l’aimer, Artiome ; et de devoir, aujourd’hui, choisir de faire l’inverse, Astrid avait l’impression d’avoir ouvert son poitrail en deux et de devoir en arracher son coeur, à mains nues, sans anesthésie. D’hurler à pleins poumons sans qu’on l’entende, sans qu’Artiome ne l’entende, parce qu’il ne regarde pas vraiment.
J’avais oublié qu’au moins la moitié de la ville le connaît.
Astrid sourit légèrement. Juste un peu, juste assez pour qu’Anthéa sache qu’elle s’amuse de ce qu’elle dit. Mais pas assez pour que le sourire soit sincère. Accroche sa main à celle d’Anthéa, qui pend sur son épaule. S’y accroche comme si elle coulait, comme si elle mourrait, là maintenant. Emmêle ses phalanges aux siennes, cherche un semblant de chaleur. Astrid aurait aimé qu’Artiome soit un secret, comme ces chansons que personne ne connaît et qu’on aime tellement qu’on se plaît à dire qu’elles nous appartiennent en quelque sorte. Qu’on aimerait les garder pour soit, comme si elles ne parlaient qu’à nous, ne jouaient que pour nous.
Artiome c’est comme ces chansons. Astrid aimerait le montrer au monde entier, qu’on admire comme il brille au soleil quand il sourit, comme il est drôle quand il a un coup dans le nez, comme il est doux quand il lit sur le balcon. Et pourtant, Astrid elle aurait aimé que le monde ne connaisse jamais Artiome. Qu’il n’y ait qu’elle qui le voit lire sur le balcon, qu’il ne sourit qu’à elle, qu’il ne rit qu’à ses vannes. Qu’ils s’isolent dans une forêt, au fin fond de la Russie, là où la neige ne fond jamais, là où le monde ne serait qu’à eux, où le monde se serait arrêté aux sapins qui entoureraient un vieux cottage qu’ils essaient de restaurer.
Astrid n’aura jamais pu garder Artiome secret. Elle a essayé, a échoué, et ne peut pas s’en vouloir, parce qu’elle a fait ce qu’il fallait, fait ce qu’elle pouvait, que le reste ne dépendait pas d’elle. Que ce n’est ni sa faute, ni la sienne, alors la rancoeur ne devrait pas exister.
Et pourtant elle existe, la rancoeur. Discrète au début, bien dissimulée au creux de ses poumons. S’est étendue sans qu’Astrid ne s’en aperçoive vraiment - et même si elle s’en était aperçue, elle n’aurait rien pu faire d’autre que la regarder l’attraper par le cou, l’étouffer en permanence, l’empêcher de parler ou la faire trop parler. Griffer la peau de ses joues jusqu’à les faire saigner, faire pleurer ses yeux si forts qu’ils ont finis par s’assécher, recommencer.
Elle ne sait pas trop ce qu’elle attendait, Astrid. Qu’Anthéa lui dise qu’elle n’a jamais été aussi heureuse que depuis que les fleurs l’ont emportée. Qu’elle se sent libre, qu’elle a l’impression de pouvoir respirer vraiment. Elle ne peut pas dire ce qu’elle attendait, Astrid. Un signe, quelque chose qui lui dise qu’en fait, le destin, c’était pas Artiome. C’était de l’aimer, de le laisser tout briser autour d’elle, détruire toutes les fondations qu’Astrid avait durement bâti pour avoir un semblant de vie, un semblant de chez elle, un semblant de famille, parce qu’il y a quelque chose qui l’attend après les fleurs. Que c’est le début, pas la fin.
Astrid aurait préféré que ce soit le début, pas la fin. Mais tout ce qu’Astrid préférait, l’univers semblait le lui nier. Refuser catégoriquement de le lui donner. Préférer la voir suer, se donner corps et âme pour des choses qui ne lui étaient pas destinées, et lui faire croire que c’était le destin. Qu’Artiome c’était l’âme-soeur, que les planètes s’étaient alignées pour qu’ils se rencontrent, alors même qu’ils étaient nés dans des conditions qui faisaient qu’ils ne se seraient jamais rencontrés si l’univers et ses coups tordus les avaient laissé tranquilles. Qu’il y avait une raison derrière le désintérêt total d’Astrid pour les autres, le fait que son coeur n’ait jamais connu d’autres émois que ceux amenés par ses yeux.
Mais c’est la fin, pas le début. Anthéa et sa voix douce, ses mots qui se cherchent pour ne pas se faire trop brutaux, pour la secouer sans lui faire mal, sans trop la briser, et qui pourtant sonnent le glas. Astrid regarde les mains plus larges que les siennes, les doigts rugueux qu’elle caresse, laisse les larmes couler à flot comme s'il s'agissait des dernières.
Mais pourquoi ça vient pas ?
Interrogation éternelle, question qui restera en suspens jusqu’à la fin des temps, pourquoi il m’aime pas, Artiome ? pourquoi pas hier, pas aujourd’hui, pourquoi jamais ? Parce qu’Astrid elle n’est pas dupe. Que si deux années, au moins, se sont écoulées dans l’indifférence, Artiome ne l’aimera pas miraculeusement demain, dans trois mois, dans trois ans, mille ans. Qu’ils se sont peut-être aimés dans une autre vie, s’aimeront dans une autre, mais que celle-ci, elle n’est pas pour Artiome et Astrid.
Je t’assure que j’ai essayé, mais ça veut pas partir. J’essaie vraiment, j’ai tout essayé. De voir d’autres gens, de lui en vouloir pour des trucs bateau en me disant que j’allais finir par le détester. De répéter en boucle qu’il en a rien à foutre ne me disant que j’allais le détester. Et ça marche pas, et je comprends pas pourquoi ça marche pas, ça aurait marché avec n’importe qui ?
Astrid a l’impression de perdre la tête, de devenir folle, parce qu’elle n’arrive pas à comprendre comment son coeur ne s’est jamais lassé d’attendre Artiome, pourquoi ça avait l’air de brûler plus fort tous les jours alors même qu’elle essayait d’éteindre l’incendie. Comme si plus essayait, plus les flammes s’embrasaient. Et quand elle n’essayait pas, elle y pensait tellement que le feu se ravivait de lui-même. Comme une boucle de laquelle elle ne pouvait sortir qu’en se laissant consumer toute entière.
Je suis partie parce que j’étais en colère et que j’avais pas envie de me défouler sur lui… Bon c’est vrai que je me cache, mais je savais que j’allais être invivable, et il a l’air tellement triste dès que je lui reproche quelque chose… Après je me suis dit que j’allais laisser les… farfadets faire ce qu’ils avaient à faire et que je reviendrai à la maison après, parce que ça va pas tarder à arriver de toute façon, autant que je nous épargne la partie désagréable où je vais tout le temps crier et pleurer.
Astrid appuie son front un moment sur les poings d’Anthéa, les serre un peu plus, laisse sa tête se remplir de sa présence, de l’oreille qu’elle lui tend, de l’épaule sur laquelle elle l’a laissé verser des larmes. De la porte qu’elle lui a ouverte, du plaid qu’elle glisse sur ses épaules quand Astrid est assise à même le sol, en culotte et en débardeur, complètement hors du temps et du monde. La laisse s’échapper, chercher les fragments de son propre passé. Astrid renifle, se redresse et laisse le plaid glisser à terre, le froid mordre ses jambes nues. Croise son reflet dans la vitre, reflet pathétique, reflet dont elle doit se détourner, parce que c’est dur, de regarder ses propres pupilles et de ne rien y voir, de voir qu’elle est déjà loin d’ici.
Si les fleurs partent pas, que je finis par me noyer… Par accident, tu vois… Faut vraiment que tu me promettes de pas m’aider. J’insiste, j’en peux plus, j’ai trop donné, j’ai plus envie. Je dis pas que je le ferai, forcément.. Je sais pas.. Je me donne une semaine, deux peut-être, je verrai à ce moment-là. Soit elles font ce qu’elles ont à faire, soit elles partent toute seule, si j’arrive à oublier ses yeux d’ici là, ça viendra peut-être tout seul.. Sinon.. J’ai pas envie d’être égoïste comme ça mais je suis tellement fatiguée, Anthéa.
Elle ne sait pas trop ce qu’elle dit, Astrid. Ce qu’elle balbutie entre ses larmes, entre les halètement, les pauses qu’elle prend pour essayer de respirer un peu mieux. Elle a juste besoin de se dire qu’Anthéa la comprend. Qu’elle la laissera faire, choisir ce qu’elle veut, décider d’où elle va. Que là où le monde entier cherche à la garder attachée à ses chaînes, Anthéa la laissera s’en détacher et les laisser derrière elle.
Le désarroi dans la voix, misère dans l'âme. C'est déchirant, d'écouter Astrid. C'est déchirant, de voir Astrid mourir. Analyse le corps de la brune qui se balance lorsqu'il se soulève, que tout à l'air pénible à cet instant. Soulever la joue pour venir la déposer contre son épaule encore glacée par l'extérieur, lorsque ses phalanges viennent s'accrocher au tour de ses mains, trouver le réconfort qu'elle désire. Qu'Anthéa voit bien dans les yeux d'Astrid l'abandon, qu'elle abdique. Que les farfadets gagnent pour cette manche, gagneront encore la suivante, pour tous ceux qui n'arriveront pas à faire taire les exaltations qui envahissent l'esprit. Finissent par tarauder le cœur, y font naître les malicieuses silhouettes. Qu'elles se gavent, se gavent jusqu'à ne plus en pouvoir, ne plus avoir faim. Jusqu'à faire crever, jusqu'à réanimer, jusqu'à oublier ce que ça fait, d'avoir mal à l'estomac lorsque ça papillonne. Que c'est terminé, qu'il faut s'y faire et qu'Astrid, elle ne s'y fera jamais.
Qu'il y a des gens qui doivent aimer, ne peuvent pas vivre sans. Comme des poissons dans l'eau, qu'une vie ne leur suffiraient pas, à s'adapter à la dureté de l'après-monde. De se réveiller un matin, que les épines ne griffonnent plus les parois des bronches, les pétales n'escaladent plus le gosier, ne s'échappent plus d'entre les lèvres. Qu'il faut se résoudre, qu'on finira par oublier les sensations, les merveilles de ce que pouvait faire un amour réciproque, platonique. Que si on était suffisamment accroché, si on parvenait à oublier ceux qui ne peuvent nous aimer, on pouvait retomber, plier encore. Et encore. Et encore.
Mais que ça n'a du sens lorsque nous ne sommes plus. Que ça s'évapore, que l'amour devient indifférence, frustration et colère. S'immisce en nous comme une nouvelle maladie. Anthéa se tourne enfin, quitte des yeux les regrets qui s'éparpillent, jonchent le bureau, recouvrent la carte sur laquelle elle y colle des étiquettes des endroits qu'elle voudrait visiter, voir une fois, avant d'encore mourir. La noirceur de son regard se dépose sur la carcasse d'Astrid, le dos rond, les jambes maigres. Les os qui se dévoilent de part en part, à travers la finesse de son débardeur, qu'Anthéa détourne le regard lorsque les vertèbres du rachis dorsal se voient, se distinguent, font mal aux yeux. Que par réflexe, Anthéa passe une main sur son ventre, sent l'épaisseur de sa peau, de la robustesse. Total opposé d'Astrid si fragile, qu'elle se briserait entre ses doigts, qu'elle est déjà brisée de toute manière mais que là, il n'en resterait plus rien que les farfadets qui fuient.
Humidie ses lèvres avec sa langue, aspire sa labre avec ses dents, y laisse une empreinte. Cherche ses mots alors que l'océan s'écoule des saphirs désormais éteints dont la lumière à bien longtemps cessé de s'y refléter, comme si c'était peine perdue, qu'Astrid ne parviendrait plus à retrouver les rayons du soleil. Qu'ils s'étaient fanés, perdus dans le crépuscule, endormie au creux des bras de la lune. Les perles déferlent sur ses joues, viennent finir leur course dans son cou, jusqu'aux creux de ses clavicules, Anthéa observe, ravale la salive qui s'amasse sous la langue, devient métallique lorsque ses dents écrasent trop brutalement ses lèvres. S'arrête, vient entourer Astrid de ses bras, de sa chaleur. Qu'Antha ne sait quoi répondre, pour soulager sa peine, la lourdeur de son cœur, la pesanteur des poumons qui commencent à s'affaisser dans sa poitrine, que la fleur commence à trop s'étendre. Qu'elle va bientôt fleurir, ouvrir ses pétales pour laisser le bourgeon découvrir le jour. Qu'elle ne peut que laisser la brune et ses larmes périr contre sa peau, contre sa poitrine. Dernier refuge pour un chagrin qui persiste, inconsolable, amer.
Je sais. Mais c'est encore plus dur après. Il faut que tu t'acharnes, encore et encore. Tu peux pas laisser les farfadets tout ravager, pas comme ça. T'as encore tant de gens à aimer.
Qu'elle se ne résout pas, à laisser Astrid devenir un spectre, que les émotions passent au travers de sa silhouette gracile, que les papillons ne battent plus des ailes pour retourner son estomac, que son cœur ne rate plus de battement, la chaleur qui étreint, les yeux qui se perdent sur les détails les plus insignifiants du monde mais qui veulent tant dire, lorsqu'on s'y attarde vraiment. Puis sa gorge se noue, ses mains serrent doucement le corps d'Astrid qu'elle fait reculer, vient appuyer ses paumes sur ses joues, essuie les vagues qui ne semblent pas vouloir s'arrêter.
Depuis combien de temps n'as-tu pas pleuré, Astrid ?
Je peux pas, tu le sais. Mon travail c'est aussi de sauver des gens. Et j'en ai assez, de voir les silhouettes s'échouer au bord de la mer. Et ce n'est pas égoïste, que de ne plus vouloir de la vie. C'est normal, d'être fatigué.
Laisse le sourire raviver son visage, arrange sa chevelure brune dans un drôle d'état, ses paumes joignent ses épaules, qu'elles sont menues, entre ses doigts, trop fines. Une inspiration qui se faufile hors de sa bouche, entre ses dents, par dessus sa langue. Lâche la pression sur la délicatesse de son corps, des éclanches qui semblent trop instables pour qu'Anthéa ne s'y résigne trop longtemps. Qu'elle n'est même pas sûre, qu'Astrid essaiera encore, que parfois, c'est mieux d'abandonner, qu'on ne gagne pas toujours. Mais ne veut pas la voir s'effriter, détruite comme elle. Qu'Anthéa voudrait en dire plus, sur ce qu'elle ressent. Que malgré la sympathie perpétuelle qu'elle arbore, des sourires qui font remonter ses pommettes jusqu'aux cernes. Que la colère gronde au beau milieu de sa poitrine, que les regrets lui font parfois mal sur les épaules, lourds à porter, durs à ignorer. Frustration constante lorsque le courant passe, que les doigts s'emmêlent, que les baisers se mêlent mais que le cœur reste désespérément vide, toujours en rythme et que sur son poignet, les farfadets dansent, grattent la peau. Sonnent la comptine, chantent en cœur. Doit s'expliquer, encore et toujours, laisser passer entre ses doigts la possibilité d'éventuelles histoires, qui ne seront pas aussi tragiques que celles des Dieux. Mais qu'en réalité. Anthéa et ses amantes sont deux astre opposés, n'arriveront jamais à se rejoindre, à se faire face en même temps.
Je te jure que ça ira mieux. Mais qu'il faut que tu arrêtes, d'essayer de détester, de penser à tout ce qui fait d'Artiome, quelque chose que tu aimes. Juste. Fais les choses que toi, tu aimes, celle qui font de toi qui tu es. Comme le tarot, tes livres sur l'astrologie, les pulls un peu moches pour Frog et Pash.
Sauf un jour, peut-être. Lorsque la lune viendra couvrir le soleil. Qu'un jour peut-être, Anthéa retrouvera les brasiers ardents. Que les étoiles arrêteront de mourir entre ses doigts.
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Mer 1 Déc - 19:44
Don't go, you're half of me now But I'm hardly stood proud I said it, almost
Les démons ont été très heureux qu'Astrid s'exile près de la plage, chez Anthéa, là où elle sera si inexistante que c'est comme si elle n'existait plus. Comme si le monde tournait enfin sans elle, que l'équilibre était revenu. Que les choses étaient revenues à la normal, qu'Astrid ne faisait plus de mal là où elle était - à Anthéa, peut-être, ceci dit, et elle songea un moment à l'isolation totale, l'exil pour de bon, trouver un endroit où ses pleurs n'iront pas raviver les souvenirs trop durs de quelqu'un d'autre, quelqu'un qui lui aura ouvert sa porte immédiatement, séché ses larmes et tenu très fort quand l'envie d'aller se laisser couler se faisait trop fort.
Alors Astrid essuie vivement ses joues, appuie ses paumes sur son visage, comme pour briser le cycle incessant des larmes, espérer briser celle du destin. Mais on ne change pas les sentiers battus si facilement, Astrid. Toute la volonté du monde ne suffit pas à le faire, tes bras si fins n'y arriveraient jamais. Peut-être qu'il faut juste accepter, Astrid, que les choses ne se passent pas toujours comme on l'aimerait. Accepter que tu vas marcher sur le sentier battu, jusqu'à ce qu'il s'arrête, et que tu ne pourras rien y faire. Que pleurer sur la route ne la ferait pas dévier, que tenter de la quitter pour t'enfoncer dans la forêt ne fera rien d'autre que te faire perdre du temps, te faire faire un détour inutile, te ramènera inévitablement sur le chemin que tu avais quitté auparavant. Au même point. Juste un peu plus détruite, un peu plus souillée. Que le reste du chemin tu devras le faire, le coeur encore plus lourd, les muscles encore plus meurtris, la folie qui a rongé un peu plus tes entrailles.
Les mots ricochent contre Astrid, comme s'ils essayaient de percer ses oreilles mais que les démons les lui avaient bouché. Appuyaient leurs mains dessus, regardait les mots tomber lamentablement au sol, ne jamais parvenir vraiment à Astrid. Elle les voit, les entend, mais le sens lui échappe. Elle ne comprend pas, ce que ça veut dire, t'as encore tant de gens à aimer. Qui, quand, pourquoi. Pourquoi il faudrait qu'elle aime quelqu'un d'autre, pourquoi il faudrait qu'elle essaie. Pourquoi elle essaie, pourquoi pas Artiome, alors qu'il n'y aura personne d'aussi important, jamais. Qu'elle aurait beau, peut-être, aimer quelqu'un d'autre un jour, ce sera jamais pareil que ce qu'il a fait naître, ce sera jamais aussi beau que sa main qui l'emmène sur la plage, les post-it collés sur la porte, les morceaux de papier glissés sous la porte, les bijoux trouvés, abandonnés, recueillis parce qu'Astrid a traversé un instant, qu'il a regardé les perles, vu son visage un instant.
A quoi bon aller aimer d'autres personnes, laisser d'autres personnes l'aimer, quand Artiome c'est l'âme-soeur, peu importe ce qu'il se passe entre eux, peu importe la réalité, peu importe la vie. Indécise en permanence, en suspens en permanence. Prête à abandonner pendant un instant, à se battre la seconde d'après, à tout lâcher le lendemain, à l'attendre éternellement le jour d'après.
J'essaie, je t'assure.
Elle ne sait pas quoi dire d'autre, Astrid. Ne sait pas quoi faire d'autre hormis appuyer son nez contre le bras d'Anthéa, la serrer aussi fort qu'elle le peut. Présence rassurante, un peu comme une maman, celle qui aurait du être là pour apaiser sa peine de coeur. Qu'elle se demande toujours, Astrid, comment Anthéa, alors même qu'elle ne la connaît que depuis peu, peut se soucier plus d'elle que Maman. Ce qui a merdé, ce qui a rendu Astrid détestable aux yeux de Maman, ce qui a fait que les yeux bruns ont arrêté de se poser sur elle, qu'elle a arrêté de lui sourire, de la faire jolie avant de la déposer à l'école, de la laisser veiller tard le soir avec elle, sur le canapé, à l'écouter essayer de lui répondre en russe.
Et Artiome, ce sera comme ça, avec lui aussi ? Les yeux bruns finiront-ils par se désintéresser, les sourires par disparaître ? Les doigts par se lasser d'écrire sur des post-it, de parer son cou des colliers usés qu'il trouve ?
J'essaie vraiment, c'est promis...
Astrid y repense un peu, aux mots crus d'Artiome. Elle y repense si fort que les diablotins s'agitent, ricanent, se plante sur les épaules d'Anthéa pour se faire bien voir. Tu te rappelles quand il a dit que t'étais rien d'autre qu'un brasier prêt à tout brûler avec lui? Que c'était ça, ce que tu étais ?
Astrid pense, Astrid réfléchit, essaie d'ignorer les démons qui dansent sous ses yeux. Le tarot, Frog, Pash, l'astrologie, la Wicca - mais est-ce que c'est vraiment toi, Astrid ? Est-ce que tu serais pas juste les flammes que tu répands.
Jamais ça ne lui était venu à l'esprit qu'elle devait peut-être simplement arrêter de se démener comme un diable, remplacer l'amour par la haine, se forcer à trouver des choses qui remuent ses entrailles tellement fort que l'amour finisse par s'envoler. Jamais ça ne lui était venu à l'esprit que se persuader qu'Artiome n'en avait rien à faire n'était pas la chose à faire - et pour cause, c'était faux, et tous les jours il lui montrait qu'il se souciait d'elle plus qu'elle n'essayait de s'en convaincre. C'est pour ça que ça n'avait jamais marché, de se convaincre qu'Astrid le laissait indifférent. C'était faux, et elle le voyait. C'était comme essayer de vider l'océan, d'éteindre les flammes par les flammes. Jamais ça ne lui était venu à l'esprit qu'elle s'était effacée, Astrid. Oubliée, disparue, qu'elle ne cherchait qu'à vivre dans les yeux d'Artiome en oubliant qu'elle avait une vie en dehors de ceux-ci. Et ça lui paraissait fou, d'un coup, de s'imaginer comme Astrid, sans Artiome attaché à son nom. Juste Astrid. Jamais ça ne lui était venu à l'esprit qu'elle n'arrivait pas à aimer correctement parce qu'elle avait fini par s'effacer volontairement. Que c'est dur, de ressentir les choses de manière saine, quand on n'existe plus vraiment.
Léger sourire. Pas aujourd'hui, on dit aux démons qui finissent par ramper sous les lattes du plancher, vaincus et agacés. Pas aujourd'hui.
Genre... La mer ?
Essuie sa peau une dernière fois, les vestiges des larmes, de la tritesse. Que pour ce soir, elle ne le sera plus, triste. Qu'elle a assez pleuré, assez laisser les diablotins lui gratter la peau. Regarde par la fenêtre l'écume se perdre sur le sable au loin, baisse les yeux au sol pour chercher du regard le vieux pantalon cargo qu'elle avait pris à Anthéa et qui, même avec une ceinture, lui tombait des hanches, parce qu'elle n'avait pas pris de fringues avec elle.
Tu viens voir la mer avec moi ? Je sais que tu la vois tous les jours, mais bon...
Tous nés sous un cimetière d'étoiles mais pas tous aussi bien nés
Les larmes cognent le visage d'Astrid, l'esquintent, Anthéa ne peut que la regarder se vider de la tristesse et de l'aigreur qui consument son être si fragile. Ses doigts qui se plient sous le creux de ses joues, viennent soutenir la tête comme si elle allait s'écraser, le dos qui se courbe, le grincement des os lorsqu'elle penche, flanche. La paume de la plus grande vient frotter doucement les vertèbres qu'on ressent à travers même l'épaisseur du pull. Pince sa lèvre, mordille, la laisse se redresser. Qu'Anthéa ne peut pas sauver Astrid si, elle ne fait pas d'elle-même les choses. Que c'est faux, ce n'est pas si on veut, on peut. Ce serait trop simple, de pouvoir s'en sortir, alors. Que personne ne crèverait d'un cancer, d'une pneumonie, des farfadets qui obstruent le passage dans les bronches. Que si on voulait vivre, on survivrait alors des millénaires, que rien ne pourrait nous arrêter. Serre la silhouette d'Astrid contre la sienne, les bras autour de sa nuque, la poitrine contre la sienne, la tempe sur son crâne. Les cœurs à l'unisson. Qu'Anthéa voudrait lui dire ça ira mieux, Astrid. Il te faut juste du temps, il te faut du temps que pour toi, oublie les autres, ne concentre toi que sur ce que tu as envie de faire, qui tu as envie d'être. Pourtant, quand on le dit à Astrid, c'est comme si elle était en permanence sourde, n'avait pas retrouver l'ouïe, avait perdue tous les autres sens en même temps. Ce qui lui permettait de voir l'évidence, d'entendre la vérité, de sentir les choses, ressentir. Puis relâche doucement l'étreinte, revient s'asseoir sur son fauteuil, se met à ronger ses ongles, réflexe agaçant, réflexe aussi vieux que la terre. Réflexe unanime, réflexe universel. La laisse calmer son pouls, le cœur qui balance trop vite dans la poitrine, le hoquètement qui tinte dans la gorge, les doigts qui tremblent. Semble se remettre petit à petit de la mouvance, des mots un peu rudes d'Anthéa, qui se veulent bienveillants, parce qu'elle tient bien trop à Astrid pour la laisser périr, qu'elle ne puisse plus affectionner qui que ce soit. Qu'il y a des gens qui sont fait pour aimer.
Que certain en perde le droit. Que c'est mérité. Qu'il y en a qui ne mérite pas de pouvoir aimer. D'être aimer. Mais pas Astrid. Qu'elle mérite tout l'amour du monde.
Anthéa cherche sur son bureau des coquillages, des gros buccins. Ceux qui brillent à la lumière, comme si un arc-en-ciel se peignait dessus, parfois amochés, parfois nets. Dépose le butin sur le sol, là où Astrid a déjà la majorité de ses affaires, qu'elle en fasse ce qu'elle désire. Collier. Décoration. Guirlande. Boucles d'oreilles. Puis elle est un peu étonnée. Surprise. Bonnement surprise. Sourire qui illumine le visage. Astrid comprend finalement. Qu'elle ne peut pas éternellement vivre à travers les yeux des autres. Vivre pour l'amour des autres. Que c'est pas une vie, de réclamer autant l'affection. Que c'est bon pour finir par crever d'un chagrin d'amour, que les farfadets ne vont qu'accélérer le processus. Viles créatures dans les bronches, grapillent un peu plus de temps, d'oxygène. Alimentent les démons déjà lourds sur les épaules d'Astrid. Mais si elle comprend l'importance de d'abord penser à soi, d'oublier Artiome, n'importe qui. De ne plus vivre pour les beaux yeux des autres. Ce sera déjà un énorme pas. Un énorme pas sur un long chemin.
Par exemple, oui.
Puis Anthéa se met à doucement rire. Qu'elle ne se lassera jamais de la mer. Du vent marin qui sale la peau, creuse les plaies, de l'eau qui éclabousse les chevilles et du sable qui se fend sous les pieds.
Toujours. Je vais te montrer comment on attrape des poissons. Je suis sûre y en a dans le coin.
Attrape les vestes, qu'il ne fait pas vraiment froid, à l'extérieur, pourtant la brise marine est toujours fraîche, trop abrupt. Enfile à Astrid une de ses doudounes épaisses pour qu'elle ne sente pas le froid lui mordre les bras, lui laisse enfiler le reste.
S'évade avec elle pour un après-midi. S'évade des futilités sentimentales. S'intéresse à elle. Astrid. Juste Astrid. Qu'elle oublie.
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