"Pas le temps", "Je suis fatigué", "Je dois m'occuper de mes chiens", "Mon frère est malade".
Les excuses déboulaient et chacune était rejetée par son entourage. Ils le savaient nerveux, le Vénus, à l'idée de s'engager dans une soirée comme celle-ci, lui qui avait un coeur fragile. Son dernier copain hantait toujours ses nuits et l'idée de rencontrer un autre homme en cette soirée le rendait particulièrement fébrile.
Pourtant, eux voyaient là une opportunité pour le jeune médecin de se changer les idées et profiter d'un repos bien mérité, car coup de chance, cette petite fiesta avait lieu lors de ses vacances. C'est bien pour cette raison qu'ils l'avaient poussé à participer, l'un d'eux ayant même pris le temps de s'installer à ses côtés pour le surveiller lorsqu'il s'était enfin "décidé" à rédiger cette petite fiche. Calligraphie fine et élégante enfin étalée sur le papier, c'est d'une lourde inspiration remplie d'une nervosité certaine qu'il l'avait ensuite transmise à son ami, ce dernier ayant préféré lui-même s'occuper de l'envoi du document, conscient que le rose avait tendance à "oublier" ou "perdre" ce genre de dossier important.
Mais plus la date se rapprochait, plus la fleur timide y voyait un certain intérêt. Une curiosité naissante quant à cette rencontre surprise. Après tout, il ne s'agissait pas nécéssairement de former un couple, non, mais plutôt de faire de nouvelles rencontrer et apprécier la compagnie d'un...Parfait inconnu cachant probablement un couteau dans son manteau, prêt à vous trancher la gorge dès que- La terrible idée chassée de ses pensées, il prit le temps de sortir en compagnie de ses deux monstres à poils avant de rentrer se doucher et enfin s'appliquer à sa petite toilette pour la soirée.
Tandis qu'il nouait sa longue chevelure en une tresse, il repensa à cette lettre, esprit divaguant un instant avant de se rencontrer subitement. Ce document manuscrit ajouté à l'enveloppe, un message personnel. Ou du moins, autant qu'il pouvait l'être. Un parfum. Un bouquet de fleurs. Suite à une courte hésitation, ces fleurs et ce paquet soigneusement enveloppés qui trônaient sur sa table de cuisine. Car pourquoi donc se contenter d'un cadeau lorsqu'on pouvait en offrir deux à un parfait inconnu. C'est tout naturel, voyons.
Cameron jeta sa tignasse sur son épaule, lissant les filins teints avant d'ajuster sa cravate immaculée, trônant sur un ensemble soigneusement choisi pour la soirée, sans pour autant jouer sur un trop-plein. Du confortable et propre, veste sans manches d'un violet sombre sur une chemise noire légère, à l'extrémité des manches larges rappelant quelque peu ces tenues victoriennes agrémentées de fines dentelles. Un dernier regard sur sa personne puis c'est ses présents sous le bras qu'il se faufila telle une ombre dans sa voiture, paré à affronter cette scéance atypique. Et au creux de son ventre, s'agitaient quelques papillons, car au final, peut-être osait-il enfin s'avouer qu'il éprouvait dès lors un certain enthousiasme quant à cette rencontre.
Des voix lointaines, couples prenant connaissance de leur partenaire. Des rires discrets et cette mélodie lointaine et basse éjectée en guise d'ambiance, l'environnement lui parut plutôt agréable. Ni banal, ni extravagant, il s'agissait là d'une ambiance en laquelle il fut presque...confortable. Ou du moins, jusqu'à ce qu'il capte qu'il venait tout juste de mettre le pied dans la gueule du loup. Plus de retour en arrière à présent. Et c'est d'une bonne inspiration, expiration ensuite qu'il s'engagea enfin dans la pièce, en quête de cette table à laquelle il était assigné. Six.
Une silhouette s'y affichait déjà et c'est en ralentissant le pas qu'il souffla un court rire, l'expression d'abord surprise, pour au final marmonner pour lui même une courte insulte. Abruti. Une femme. BIEN SÛR,
une femme. Pourquoi n'y avait-il pas pensé plutôt ? Pourquoi cette idée lui paraissait-elle si lointaine alors que pourtant, lui seul s'était ancré dans cette idée et qu'il tomberait encore ce soir entre les griffes d'un autre homme. Et c'est cette réalisation qui étrangement, lui fit chaud au coeur, l'homme à la svelte stature accelerant le pas pour rejoindre la demoiselle installée.
Une magnifique jeune femme à la chevelure de feu, vagues dansantes le poussant à porter un regard sur sa propre tignasse colorée. Elle le trouverait ridicule, avec ses cheveux rosés, violets sur la fin. La faute à Jupiter, tout ça. Et il voulut planquer sa tresse dans sa chemise avant de relever le nez au plafond, s'insulter à nouveau et foncer. Plus. De. Retour. En. Arrière.
Quelques pas encore, puis c'est un doux sourire que lui offre Vénus, courage empoigné à quatre mains et demi – va savoir ou il s'est procuré les deux autres -. Voilà ensuite un bouquet large reposé sur la table, composé de multiples élégances florales éparses, couleurs variant entre le rose, le rouge, le violet et le blanc afin de se marier de manière agréable d'un dégradé plaisant à l'oeil. Le parfum suivrait sous peu. Il s'était particulièrement appliqué pour ses petites trouvailles et c'est avec fierté qu'il avait affiché la première.
- Bonsoir, navré du petit retard, autant l'admettre, j'étais quelque peu nerveux. Sans oser s'asseoir, il repose les doigts sur le dossier de sa chaise, ces derniers crispés sur le bois et ce coussin confortable. Ses perles ambrées osent toutefois rencontrer le visage de sa partenaire de la soirée. Quelques longues secondes s'étaient écroulées avant qu'il ne s'installe enfin pour croiser les jambes et jouer du bout des doigts sur l'extremité de ses cheveux.
- Je m'appelle Vénus. Enfin, Vénus Cameron, mais on m'appelle Vénus...Ah- Cameron est mon second prénom, mon nom de famille, c'est-...Il penche un peu le nez, timide, avant de redresser l'échine et reprendre son sérieux.
- Je dois vous paraître complètement stupide mais n'ayez crainte, sous peu, la nervosité se sera calmée et...Et quoi ?
- Et ...Je suis content d'être ici et de faire votre connaissance.Une vérité.
T'as l'air con, Vénus. Elle va te juger, se redresser et partir.