✿✿✿Il y a comme un malaise dans la gorge ; le même qui ponctue chaque moment de la vie de Philip, ceux où il se sent
de trop, où il ne se sent pas à sa place. Le sentiment est plus fort en ce moment-même –
quand est-ce qu’il ne le ressent pas ? – parce que Philip ne fait pas partie de ses gens qui laissent de bonnes impressions (c’est ce qu’il pense).
Parce qu’il est trop timide.
Parce qu’il bafouille.
Parce qu’il a les joues qui se tintent de rouge dès qu’il doit parler.
Parce qu’il se déteste tellement que ça se voit sûrement sur son visage.
Il fait de son mieux, pourtant.
Mais chaque jour qui passe est comme une envie de baisser les bras. Philip tâche de ne pas y penser ; parce qu’il veut rendre maman fière de lui (mais et lui ? Quand est-ce qu’il se rendra fier ?). Il se racle la gorge une nouvelle fois.
Il sourit, tout de même. «
Moi c’est Philip. Enchanté. »
Est-ce que tu serais vexé s’il osait te dire qu’il n’a qu’une seule envie : s’enfuir ? Partir loin et oublier ces fêtes et ces célébrations qui lui rappellent uniquement qu’il n’a pas toujours pas trouvé la personne qui s’est entichée de lui, et qui doit sûrement être en train de
⠀⠀⠀mourir
quelque part dans le monde. Et pourtant nous sommes ici, à fêter notre rencontre comme s’il s’agissait de l’événement le plus important de l’année—
alors que Philip ne te connaît même pas. Ils ont vraiment des idées étranges, dans cette ville.
Il reprend ses esprits lorsque tu pousses le sachet vers lui. Un peu gêné – parce qu’il ne pense pas mériter un cadeau quelconque –, Philip sort le livre d’un geste délicat. Il observe la première couverture, les mots inscrits dessus, il feuillette rapidement quelques pages.
Puis il relève les yeux vers toi, un sourire timide sur ses lèvres. «
De la poésie française. C’est vraiment cool, » (il a une seconde de silence parce que maintenant—
tu vas sûrement le trouver vraiment ringard après qu’il ait dit qu’il trouvait la poésie « cool »). «
Je ne pense pas que je l’ai déjà. Merci. »
En vérité, il ne sait pas. Il a tant de livres sur ses étagères et, quand sa mémoire lui joue des tours, il n’est plus très sûr de savoir ce qu’il a déjà lu ou non. Les noms des auteurs se mélangent, leurs poèmes aussi, les nationalités se dispersent et parfois, Philip lit un livre qu’il a déjà lu maintes et maintes fois et pourtant— c’est comme si c’était la toute première fois.
C’est problématique, sûrement.
Il fait glisser la petite boîte vers toi, celle qui se trouvait encore dans ses mains un instant plus tôt.
«
J’espère également que ce sera à ton goût… »
Dans la boîte, se trouve un ensemble de boucles d’oreilles. Des boucles d’oreilles asymétriques, l’une représente la lune et l’autre le soleil, des pierres minérales pendantes à chacune d’elles. Philip ne connaît pas leur signification mais elle espère qu’elles seront bénéfiques.
Honnêtement, il les a prises juste parce qu’elles étaient à
son goût.
Mais quand est-il de toi ?
Philip n’ose pas te regarder, appréhendant ton avis.