(terminé) Leina » she's still out to get me

— tu avais eu la meilleure idée de ta vie et personne ne voulait t'accompagner. sous prétexte que ce n'était pas la saison. sous prétexte qu'il faisait froid. sous prétexte que cela faisait peur. tous des poules mouillées ! toi, le ciel bas et les vagues, ça ne te faisait pas peur. tu étais déjà moorte, qu'est-ce qui pouvait bien te tuer plus, de toute manière ?
rien. 

c'est ce que tu pensais.
mais maintenant que tu étais secouée par les vagues, le visage fouetté par le vent, décoiffée, presque démanucurée à ce stade, tu n'étais plus certaine de rien.
tout te semblait encore moins sûre quand ta seul compagnie était un type louche et un type douteux ; le douteux semblait tout aussi excité que toi de plonger.
c'est-à-dire, pas beaucoup et surtout plein de regrets.

à l'arrêt, il complimente tes cheveux (tu crois), tu lui souris. il allait falloir faire la discussion. sympa ses fesses dans la combi. mais tu ne le diras pas. tu te fais simplement rire. il te parle de méduses, tu grimaces. ça fait peur ça. elles sont grosses ici, les méduses, elles font mal. tu ne veux surtout pas en rencontrer.

il sourit trop,
il est louche,
douteux,
et tu vas te retrouver en mer avec lui.
génial (une mauvaise idée, avaient-ils dit).

« non, non... ah.. ça va, je m'en sors, c'est bon ça va, regarde. » et tu soulèves la chose, tu ne sais pas trop ce que tu en fais en fait, tu crois que tu la mets sur ton dos, tu te tournes un peu, tu bouscules l'homme douteux, en fait, il se prend peut-être un coup de bouteille, tu ne sais pas, tu paniques, pouf dans les dents (il n'avait qu'à pas sourire autant), tu te retournes, la bouteille qui glisse sur les épaules, tu ne paniques plus, tu as envie de rire, tu crois. « oh mon dieu, ça va ? ça va ? tu vas bien ? t'es pas mort hein ?  » et tu as attrapé son bras, pour pas qu'il tombe, mais il est lourd, plus que toi, alors s'il décidait de passer par dessus bord, c'est toi qui tomberait avec lui plutôt que le contraire.
et toi,
tu avais pas de bouteille.

« je veux bien de l'aide, en fait... » tu crois, en tout cas. mais ce n'est pas gagné. tu ne sais même pas s'il est en état de t'aider.
la bouteille sur le dos, bien serrée, tu soupires. c'est gênant. et voilà l'homme de retour, des masques entre les doigts. vous en avez besoin pour voir qu'il a dit. « c'est laid... » as-tu bougonné de ton côté. et ton voisin, qui l'avait enfilé, n'a fait que de t'arracher un rire. il était ridicule. c'était ridicule. rien n'allait. tu avais presque envie de rentrer. « là c'est toi qui ressemble à un gros poisson. vas-y le premier. peut-être que les requins vont te manger... » ouais, les requins. « y a des requins là, dans l'eau, hein ? » que tu lui demandes alors comme si tu ne venais pas de te moquer de lui.

— il n'a pas tort, peut-être que tu étais un peu jalouse, ou peut-être que tu ne voulais pas porter ce masque ridicule, alors le voir ainsi te rassurait un peu. si tu n'avais pas l'air ridicule seule, pourquoi pas.
et tu fais rarement les choses seule, leina, tu n'y arrives pas ; tu as besoin de cette compagnie qui te rassure, qui te fait rire, qui te fait sourire, qui t'amuse.
il est amusant lui, peut-être que tu l'aimes bien, finalement. l'homme sans nom, ou peut-être qu'il te l'a dit mais que tu ne t'en souviens pas ? tu lui redemanderas, pour être sûre. tu as une technique infaillible pour ça, apprise des meilleurs (tu crois)(jupiter).

tu le remercies de t'avoir aidé, l'observe pour imiter ses gestes, le masque sur le nez, appuyé contre tes cheveux qui ne ressemblent plus à rien, tu n'y vois pas grand chose, la buée te brouille la vue, le tuba te cogne contre les dents.
tu as eu une mauvais idée qu'il fallait maintenant assumer ; comme souvent, n'est-ce pas ? et comme souvent, ils ne t'ont jamais dit non, ils ne t'ont jamais dit de ne pas faire ça ; ils t'ont encouragé.
tu avais froid sur le bateau, tu ne voyais plus ton coéquipier perdu dans les fonds marins,
les vagues frappaient la coque,
tonnerre sans éclair,
et si le courant vous emportiez ?
alors tu étais prête à partir quand soudainement,
le voici,
vivant,
à la surface,
souriant.

à nouveau, te voilà qui rigole,
amusée,
« pas encore ! » parce qu'au final, tu aimerais en voir un, toi, de requin.
alors tu sembles imiter ses gestes,
en arrière,
les yeux fermés,

l'eau est froide, gelée, glacée,
tu ne cries pas,
(si),
avant de partir sous l'eau.

le regard vif, autour de toi,
et tu n'avances pas très vite chaussée de tes palmes,
tu as l'impression d'être une enfant qui apprend à marcher.
ton camarade a l'air plus à l'aise,
et comme un running gag, il a eu le malheur de passer non loin de toi, ta palme contre sa tête, à nouveau, amoché,
la peur de l'assommer, tu essayes de lui faire signe, un pouce en l'air, pour savoir si ça va, pour être certaine que tu n'es pas celle qui le tuera.  

ça avait l'air d'aller,
tu crois.
remontée à la surface pour respirer, « comme un poisson dans l'eau ! » t'es-tu exclamée, fière, à l'encontre de celui qui t'accompagnait. «hey, dit. » tu te rapproches de lui, en fait, tu t'es même accrochée à lui, comme une ceinture de plomb, comme une arapède, comme une moule à son rocher. « moi, je suis venue que pour une chose. » et cette chose était très sérieuse, alors,
tu n'as pas l'air sérieuse du tout avec ton masque et ta bouche qui ressort,
tu lui confies ton secret,
ce n'en est pas vraiment un,
« je veux voir des sirènes. » parce que bien sûr, elles existent. « tu crois qu'on peut aller les chercher ? » aucune idée de pourquoi tu l'attires dans tes bêtises, il n'en a que faire de ça,
mais tu n'aimes pas être seule.  « il ne dira rien si on s'éloigne un peu... » c'est à peine s'il vous regarde, de toute manière, alors tu le supplies, de tes yeux cachés par la buée de ton masque.
ouais,
des sirènes,
comme vous, un peu.

— Il te prend au sérieux, te fait rire, te fait sourire, tu le vois qu'il se met à chercher les sirènes, et toi, c'est pas que tu voulais les trouver, les sirènes, c'est que tu ailerais en être une, probablement, et les palmes à tes pieds sont presque satisfaisantes. tu as probablement trop regardé la télé quand tu étais jeune, bercée par H2O, prête à croire que si tu mettais un pied dans la mer, tu te transformerais. Bien entendu, la déception avait été grande, mais tu n'avais jamais abandonné l'idée... L'idée... Tu ne sais pas trop laquelle, mais tu n'avais jamais abandonné.

Tu t'es offusquée pendant quelques instants du prénom avant de te mettre à rire, fortement, comme si on ne t'avait jamais dit ce genre de choses. Cloé, Priscilla ? Tu ne savais que dire à cela, tu en aurais presque bu la tasse à ce stade, et tu l'arroses, le Alfie, tu l'arroses pour te venger, tu acceptais presque Cloé comme prénom. Tu le laisserais bien croire ces bêtises quelques instants.

« Mais ces sirènes là, elles sont super moches, elles font peur, et puis si j'avais voulu que tu sois un quatre heures... » tu le regardes, sans vraiment vouloir être méchante, mais tu mimes que tu aurais choisi quelqu'un de bien plus épais que lui, c'était certain, ne serait-ce que par peur qu'elles ne soient pas satisfaites. pas que lui était moche, ça ne te semblait tout simplement pas assez, pas pour ces sirènes qu'il disait lui, « moi je veux les belles. avec des queues de poisson qui brillent, et des seins en coquillages ! » la petite sirène, quoi, quelque chose qui s'en rapprochait fortement.

Les fonds marins t'effraient un peu, mais la roche que tu as sous les doigts et la vie qui s'y pose n'est que plus fascinante maintenant que tu peux les voir de près, de très près, sauf quand certains petits êtres prennent la fuite à l'arrivée d'une grosse tête rose, et ça te fait un peu bouder, sans que tu ne puisses vraiment avec le tuba.
Tu te laisses alors surprendre par l'offre d'Alfie, tu ne ries pas pour ne pas boire la tasse mais ton regard se fait rieur alors que tu acceptes le présent avec plaisir, un pouce en l'air, tu l'examines quelques instants. C'était un début, pour ton soutien-gorge en coquillage, c'était certain !
Et tu pointais du doigt quelques uns des poissons que tu observais, ils étaient de toutes les couleur, et ton regard brillait, alors tu faisais des grands signes à alfie pour qu'il puisse les voir, et tu regrettes de ne pas pouvoir prendre de photos, alors tes doigts se mettent devant toi, comme une camera, photo mentale, de ces petits êtres qui t'amusent.
tu avais eu l'idée du siècle, et tu le savais !

Remontée à la surface, tu craches le tuba, « il est trop beau ! » tu parlais du coquillage que tu avais entre les doigts, gardés précieusement, et tu espérais ne pas le perdre. après tout, c'était un cadeau. « Leina'ala, Leina pour faire court. » ton prénom, qui n'était pas Cloé, qui se méritait, « je suis toujours un peu vexée... Priscilla... Tu ne pouvais pas faire pire... » Il aurait pu, mais ut exagérais toujours tout. Très vite, tu as été coupée dans tes paroles, ce n'est pas une sirène que tu avais aperçue, non, mais une petite chose flottait à moitié à la surface de l'eau, ronde, presque trop mignonne pour être vraie. « Regarde, regarde, regarde ! » tu pointes du doigt, te hisse un peu plus à la surface pour essayer de voir,
une méduse,
qui se dessinait là,
pour vos beaux yeux.

ni une ni deux, le masque sur tes yeux, le tuba dans la bouche, et te voilà sous l'eau, pour observer flotter ce petit bout visqueux, aux tentacules un peu trop longues, un peu effrayantes. tu essayes d'attirer l'attention de ton coéquipier du jour, et à côté de la méduse, te voilà a essayer d'imiter l'animal, sans grand succès, mais à ton plus grand plaisir,
tu avais l'impression de réussir,
et ça te faisait rire.

— Il t'apprend que les sirènes que toi tu veux voir, ce sont des sirènes d'aquarium, qu'elles sont probablement enfermées derrières des vitres, qu'elles sont là pour être montrées. Probablement parce qu'elles sont belles, et qu'elles peuvent être montrées. toi aussi, tu aimerais bien les enfermer dans une boîte, juste pour les avoir, rien que pour toi, mais tu n'as pas vraiment le droit, pas vraiment la place, probablement pas l'argent non plus - et peut-être que tu pourrais devenir une sirène toi aussi ! qui n'a pas rêvé un jour de se transformer en femme mi-humain mi-poisson ? tu es presque certaine de réaliser un rêve d'enfant (et tu n'as pas tellement de souvenirs de toi enfant). et si ces sirènes font des spectacles, c'est qu'elles doivent être magnifiques, alors tu te surprends à rêver, quelques instants,
comme une enfant. « t'en sais des choses, toi... » parce que tu ne sais pas grand chose, toi, quand tu y penses. gentiment fascinée par les connaissances de ton comparse, tu te laisses aller à l'eau et votre plongé abandonnant toute idée de voir des sirènes (ou presque).

« carrément nul » avais-tu répondu à ses mots, oui, carrément nul pour les prénoms, tu n'avais même pas une tête de Cloé ! t'en connaissais même pas, des cloé. mais les compliments font passer la colère enfantine dont tu faisais preuve - tu prends toujours les compliments, c'est un peu comme si tu vivais pour eux, c'est que tu n'as pas grand chose d'autre si ce n'est ta beauté alors... tu te laisses aller aux flatteries, c'est si facile de te faire plaisir.

tu parais surprise, prie qu'il fasse attention, ce qui ressemble bien plus à des tas de bulles sans sens, quand il s'approche de la méduse. tu n'étais pas formée en cas de brûlure et tu n'avais aucune envie de lui faire pipi dessus, l'idée même te dégoutait. si ça avait été un de tes colocataires, même pas besoin de piqures, mais quelqu'un que tu venais de rencontrer... tu savais te tenir, un minimum. et alfie joue avec les fonds marins encore quelques instants, il s'amuse de ce qui se passe autour de lui. tu ne comprends pas vraiment ce qu'il mime, tu essayes de faire un pouce mais tu crois que ce n'était pas la bonne réponse, c'est un peu étrange, alors tu le suis à la surface et la question qui suit te casse un peu la tête. qu'est-ce que tu en sais ? « on dirait plutôt tes cheveux quand tu es sous l'eau tu sais... » maintenant que tu y réfléchis, ce n'était pas loin, « je pense que ce sont des animaux. comme tes cheveux, elles doivent avoir leur propre conscience... puis c'est pas la maison de Némo aussi ? » tu fronces les sourcils, presque sûre. « on demandera aux sirènes. » peut-être auront-elles des anémones dans les cheveux, elles ?

« j'ai froid... » que tu marmonnes alors un peu, « on rentre ? on a tout vu, non ? tout l'océan ! c'était énorme ! » et tu ne lui laisses pas vraiment le choix, à l'homme, que tu tires un peu, encore, parce que tu ne sais pas faire autrement, parce que tu ne veux pas être seule, parce que tu es un peu rassurée quand même maintenant de savoir ce que tu as sous les pieds.
et la montée du bateau fut plus compliquée que prévu, les palmes qui glissent, le masque qui s'emplit de buée mais finalement les fesses au fond du navire, tu peux souffler, tu peux retirer ces trucs à tes pieds, te libérer un peu de ta combinaison, tes épaules,
tout,
c'est que c'est compliqué, cette affaire, quand même.

« dit, dit. tu me donnes ton numéro ? » demandé comme ça, sans grande peine et difficulté. « la prochaine fois, on va à l'aquarium, voir des vraies sirènes ! et tu dis pas non, t'as pas le choix. je veux voir si tu as menti ou pas ! » et s'il refusait, alors, tu ferais tout pour le retrouver. on ne t'aura pas comme ça, toi.