L’eau bouillante est-elle moins bouillante en hiver qu’en été ? - PV Lily-Rose

Combien de personnes sont réellement allé aux endroits touristiques près de chez eux ? La plupart du temps, j'en suis bien consciente, ces personnes doivent se dire "Oh mais je le vois tout les jours de toutes façons". Et ce bien malgré de n'y avoir jamais vraiment mit les pieds. C'est bien la raison pour laquelle, aujourd'hui, j'ai décidé de ne pas me limiter à ce que mes yeux voient. Mon emménagement à Auckland n'est pas récent, certes, mais je tiens tout de même à réveiller la part de touriste émerveillée qui sommeille en moi. C'est donc bien décidée à être productive aujourd'hui que je me lève, sans trop ronchonner, pour me préparer à mon escapade du jour.

La douche. Le brossage de dents, de cheveux. Le petit-déjeuner sur le coude, au bord de la fenêtre de mon appartement qui donne sur la rue. Le jour qui se lève, tout doucement, comme tout endolori de la météo hivernale. Et puis le pouponnage, et l'organisation de mon sac pour la journée. Les essentiels, bien sûr, comme mon portefeuille. Mais aussi une petite bouteille d'eau, et quelques barres de céréales.

Bien évidemment, dehors l'enthousiasme en prend un coup. De grands coups de vents, glaçant, et mes pieds qui manquent de patiner sur les trottoirs pas toujours salés. Le manteau de neige, aussi épais que le manteau que j'ai moi-même sur le dos. Pourtant je suis déterminée : Si j'abandonne maintenant, je sais que je ne ferai rien de la journée. Et pour une fois que je n'ai ni casting ni petit boulot au programme, je veux prendre le temps de... de prendre du temps, j'imagine. Je prends donc la direction du Domain Park, d'un pas chancelant. Maudite neige.

Le chemin est long. La zone n'est pas vraiment au plus près de mon appartement. Je m'arrête quelques fois, manque de me perdre. Parfois j'interpelle un passant, lui demande si je suis sur le bon chemin. Beaucoup me répondent ne pas savoir, probablement eux-mêmes pas très certains du nom de la rue où nous nous trouvons à ce moment-là. Parfois ils me répondent en épelant bien les choses, et je manque de leur rire au nez. J'ai l'air d'une touriste ? Tant mieux. Je joue le jeu, au moins. C'est peut-être l'accent australien qui n'aide pas non plus, quand j'y pense.

Bientôt les beaux piliers du musée de la guerre et la structure blanc cassé, à moitié couverte de son pelage mousseux blanc pur, s'offrent à ma vue. Et, comme une enfant, j'accélère le pas. Il est encore assez tôt, dix heures environ, même si j'ai mit un certain temps à trouver mon chemin. Il n'y a pas grand monde autour. Je ne suis même pas certaine, dans les faits, de croiser un chat. Loin d'être démoralisée par la constatation, je me glisse bientôt dans la bâtisse et y fait valider le ticket que j'ai acheté quelques jours auparavant. La visite débute alors.  

. . .

Je ressors quelques temps plus tard. Abasourdie. Un peu étourdie. Les musées, plus jamais. Je pensais que j'aurai un guide, mais non. Alors ma visite s'est résumé à déambuler entre les différentes sections, et à lire les petites pancartes me donnant les informations desquelles je devais me contenter. J'aurais rêvé d'avoir un guide. D'entendre des anecdotes. De découvrir quelque chose autrement que sous la forme endormie des éléments exposés. Un peu déçue, je viens bientôt m'asseoir sur les marches à l'entrée du bâtiment. Je sors ma bouteille d'eau de mon sac, assoiffée comme le désert du fait de l'interdiction de boire ou manger dans les locaux, et la regarde fixement. Je ne suis clairement pas convaincue que ça me réchauffera. Alors je la range, d'un geste presque mécanique, machinal, et me lève pour me balader. Il doit y avoir des petits vendeurs au parc lui-même, probablement à proximité des serres. C'est l'hiver, les gens ne doivent pas s'y promener pour admirer les plantes et fleurs c'est sûr. Mais avec un peu de chance...

Tout se passe si vite. Et je me retrouve bientôt là, à distance d'une autre jeune femme, les mains chargées de deux cafés en gobelets. Judicaël et la boutique me reviennent à l'esprit. Est-ce que la nourriture, ou en tout cas au moins les boissons, sont les fondations de ma version de la communication ? Je hausse les épaules pour moi-même et ose bientôt faire un pas. Plus un second. La distance se referme et, en arrivant à hauteur de l'inconnue, je dépose doucement l'un des cafés encore fumant sur le bord de son banc. J'ai le trac, je crois. C'est ridicule, un peu. J'ai probablement peur que ça ne passe pour une tentative très cheesy de drague. Mais c'est qu'elle est resté plantée là, le nez dans la danse de ses crayons, tout le temps où je comptais mon liquide à en faire rager le vendeur ambulant. Advienne que pourra !

« Bonjour ? Un petit café ? »

Je souris, gentiment, pour essayer de faire comprendre que je ne suis pas une menace en quoi que ce soit. Pour être franche, je suis plus curieuse qu'autre chose. Que pouvait-elle bien dessiner, pour être à ce point-là concentrée dessus ? Ou tous les artistes sont-ils capables d'autant de focus tout naturellement ?