Leina >> Sous les lambris rococo (terminé)

Djill découvre le véritable prénom de sa nouvelle associée, de la photographe en herbe aux cheveux volumineux et bouclés. Elle découvre la réalité, une répétition découpée, une réduction simple qu’elle retiendra sans aparté. Leina : c’est joli, c’est assez simple à retenir pour quelqu’un comme elle, pour quelqu’un qui par de ses différences arbore toujours le même sourire qui ensorcelle. Sans mensonge, ni ficelle.

Marionnette suspendue à ces filets, Djill ne fait qu’obéir, sans vraiment se relâcher. Ou peut-être qu’elle se sent un peu observée, ou peut-être que c’est la vue de l’objectif, la pression qu’elle n’arrive pas à laisser faner devant la belle au couleurs barba papa.

- Instagram ? Oh, je n’ai pas instagram, tu sais. Mes collègues… Je ne crois pas que ça les intéresse non plus.

Djill ne veut pas rendre jaloux, elle n’a jamais cherché à se faire remarquer. Elle est du genre à longer les bords, wallflower dans les soirées, fraîcheur d’une journée d’été. Alors que Leina exagère encore, elle secoue la tête pour démentir, tout en ne pouvant s’empêcher à chaque fois d’un peu plus sourire. Peut-être que c’est le seul moyen qu’elle a de se trahir. La fleur est fourbe, lente à s’ouvrir, mais il ne reste plus qu’à cueillir, quelques pétales, quelques épines.

- Vraiment… J’ai arrêté de vouloir te contredire à ce sujet, mais fais attention, je peux me lasser.

Des menaces en l’air.
Elle n’en fera rien, elle se contentera de mentir, sans volonté, sans une once de chagrin. Elle n’a jamais eu l’envie de faire du mannequinat, mais elle le fait pour faire plaisir, pour une fois. Elle n’est ni un héro, ni James Bond, elle se contente d’essayer de faire le bien autour de soi.

Djill la dévisage, essaie de faire comme la demoiselle l’ordonne, mais son sourire est de nouveau un peu crispé… Alors elle tourne la tête et essaie de se concentrer sur l’horizon, sur quelque chose en particulier, mais il n’y a rien au loin : rien d’autres que des îles parfois un peu éloignée ou même des lieux inexplorés. Cependant, c’est là d’où elle vient, d’où elle est venue, et elle ne compte pas reprendre le rendre tant que sa mère n’a pas repris sa vie en revue.

- Tu es sûre ?… Tu ne veux pas plutôt venir avec moi.
((Méthode, tactique facile pour ensuite s’enfuir, la mauvaise foi.))

Pourquoi venir à ses côtés ? Pour éblouir. Pour la laisser dans l’ombre, pour qu’elle puisse s’oublier, disparaître comme une statue, figée dans le décor. Djill veut être un simple élément trouble, flou, oubliée dans son confort. Alors pour s’égarer, pour se substituer à une autre présence, elle tend la main, lui fait signe de se rapprocher, lui fait signe de prendre sa place sans vraiment le lui annoncer.

- Oui, c’est ça. Prendre des photo de toi et moi. (De toi, surtout de toi) Viens là.

Souffle t-elle dès qu’elle s’approche, dès qu’elle vient à ses côtés. Ses yeux ternes sur ses manières : la popularité, la gloire ce n’est pas ce qu’elle a cherché. Elle est comme tout le monde, est née, a grandit et risque à tout moment de s’envoler. Des photos, elle n’espère rien. De la vie elle n’attend de bonté ni d’aujourd’hui, ni de demain. Puisque chaque journée à le même goût : amer, fade, sans saveur. Bien que peu de présence éveille un peu de chaleur, bien qu’un peu de lumière font sécher abysses inatteignables de son cœur.

- Je… Je ne cherche pas vraiment ça. J’écoute de la musique. ((comme tout le monde) (ce n'est pas la question))

Djill est banale, un peu bancale, elle ne sait pas jouée, chanter, ou lire des partissions. Elle sait juste s’asseoir et écouter depuis des années les mêmes musiques, d’identiques chanson. Alors face à cette proposition, elle se tend un peu plus, les lèvres crispées… Elle tire un sourire déformé, semblable à ce que Picasso aurait pu pondre en portrait. C’est la gêne, c’est la pression, c’est l’objectif qui appuie comme un objet de coercition. Ce n’est pas élégant et dans le reflet de l’écran, elle essaie de corriger, n’arrangeant rien. Alors, elle préfère fermer la bouche, les lèvres. La brune oublie de sourire pour ne pas se trouver dans cette même disgrâce (vulgaire). Le visage fermé, le visage neutre, un fade et effacé. (c’est mieux comme ça, il paraît)

- Ça te convient ?

Djill a la tête baissée.
Elle a l’impression que du shooting : rien n’est terminé.
Les photos sont éternelles, long souvenir d’un factice été.

Les photos sont prises, capturées, en un instant sous les rires ébahis de la petite poupée. Puis c’est terminé. Elle clôture le moment en se retourne peut-être un peu plus vers Djill, qui détaille les éclats de son sourire les yeux dans le brouillard (cafards). La femme aux cheveux bruns commence à secouer le menton pour signer avec son visage un simple : non. Il n’y a plus de mots pour refuser les joaillerie qu’elle offre avant de remarquer la supercherie, le visage sur l’écran disgracieux. Les remarques de la jeune fille aux cheveux roses lui font baisser les yeux. Elle n’apprécie pas les moqueries, les esclafferies à son égard et dans un regard un peu plus froid le fait savoir. Pas un mot n’est donné, comme si les paroles ne pouvaient pas l’atteindre derrière son refuge taciturne. Plus renfermée, elle goûte à une certaine amertume.

- Non, pas vraiment.

Une légère sécheresse s’évapore sur les bords de ses lèvres. Djill est encore trop dure une fois, avec les autres, peut-être aussi un peu avec toi. Elle ne hausse pas la voix, mais elle se rappelle un peu ce que ça fait, de voir la disgrâce de son reflet, de voir l’image qui n’est que foutaise. Alors, elle ne pensera pas qu’elle est jolie, pas aujourd’hui. Sûrement parce que sa mère ne lui a aussi jamais dit. Neutre et banale (bancale), restera sa vision d’elle même, enfermée dans une vision presque primitive et carcérale.

Djill n’est pourtant pas si compliquée à amadouée, simplement parce qu’elle ne veut pas que l’on voit dans ses yeux son trépas. Alors, elle lui énumère les quelques numéros de son cellulaire. Le téléphone personnel qu’elle a entre les doigts.

- Tiens.

Elle ne sait pas ce qui l’attend, dans quelques jours peut-être sur le moment. Elle n’y voit pas grand-chose Djill, elle est biaisée parce qu’il y a que les camarades qui n’abandonnent jamais. La femme a du mal à réellement s’ouvrir, à aimer, à s’aimer, alors dans sa prison de glace, elle laisse tout de même une fenêtre pour continuer de voir un peu la lumière, pour continuer de se souvenir de ses rires à sa manière.

- Oh, je ne sais pas trop.

Djill ne sait pas vraiment, elle ne se maquille pas, voir jamais. Les codes de la conduite féminines ont été oubliée à l’armée. Elle a tout laissé de côté. Il ne reste qu’une identité vague, écrite sur quelques documents, un regard sévère, un corps droit, tâché et musclé, et une main tendue, réservée. Elle écoute, sans comprendre, sans savoir, qui est Jupiter. Pourquoi critique t-elle les autres garçon, de la même manière ? La policière, des hommes, n’en a que faire, la policière des mâles, ne peut ressentir que de la camaraderie. Alors, elle lui donne son téléphone une autre fois, pour la laisser terminer, pour lui offrir la chance sur les réseaux d’exister. Une seconde vie s’offre sur insta’, loin de la fausse vision qu’elle a de soi. L’empire du désir mimétique s’offre, embrasse le bout des doigts pour la première fois, alors que les vagues continuent à côté de chanter, alors que la plage continue de vivre à leurs côté.