I kneel into a dream where I am good & loved. I am good. I am loved.
[petit tw au cas où pour description de blessures graves et idéations suicidaires]“Et voilà mon grand.” Papa referme le capot de son Audi sur ta valise. Pour dire que tu pars à l’autre bout du monde, tu n'emportes pas grand chose: tes vêtements, tes affaires de toilettes, tes médicaments, tes papiers et ta psp avec quelques jeux pour tuer le temps dans l’avion. Le camescope, c’est lui qui l’a mis dedans en insistant pour que tu le prennes, histoire que tu te fasses ‘pleins de nouveaux souvenirs’ pour reprendre ses mots.
Tout le reste, tu le laisses derrière toi dans ta chambre d’enfant.
Même avec si peu, Papa a déjà le souffle court. Il essuie la sueur qui a déjà commencé à perler sur son front ridés du dos de sa main.
“Prêt pour Sydney alors ?”“Auckland.”“Pardon ?”“Auckland.” tu répètes mécaniquement, sans rancœur: ça a toujours été comme ça avec lui, il n’a jamais été vraiment attentif à quoi que ce soit.
“L’école est à Auckland.”“Ha- Oui, bien sûr.”Le trajet jusqu’à l’aéroport va être long.
Papa essaie de ne pas te regarder dans le rétroviseur. Il a beau se vexer quand tu te caches derrière ta prothèse, il n’arrive pas à assumer ses grands discours devant ton visage nu. Alors il regarde la route. Il regarde le ciel. Il regarde partout, sauf vers toi.
Ça fait pourtant 8 ans que c’est arrivé.
Faut dire que t’as pas arrêté de changer pendant ce lapse de temps, et pas de la même manière que les autres gosses de ton âge.
C’est pas la puberté qui t’as frappé. Enfin, en un sens, oui: après tout, c’est un ado qui t’as refait le portrait
par accident.
Tu crois.
T’espères.
Si c’est pas le cas, il a au moins dû se sentir désolé quand Vanessa l’a plaqué vu qu’il est revenu trois fois vers elle pour la supplier de se remettre avec lui. Il t’a même offert un nouveau jeu pour se faire pardonner, mais t’étais encore sous coma artificiel, alors finalement la cartouche s’est perdue.
N’empêche, un jeu.
Le mec a ruiné ta vie et il t’a offert
un jeu.
Encore heureux pour lui, c’est vraiment ta face qui a dégusté. A part quelques brûlures sur les épaules, tes bras et tes mains s’en sont sortis sans rien: c’est statistiquement mieux que la plupart des gens dans ton cas, t’aurais pu perdre des doigts ou pire, devenir un légume.
Enfin, t’avais de la peine à réaliser ta chance au début, entre le dodo forcé, la douleur agonisante malgré la morphine, le tournus d’infirmières et de docteurs dans ta chambre et les terreurs nocturnes, t’étais servi. Les jours s'enchaînaient à une vitesse effarante et pourtant quand tu te retrouvais tout seul dans ton lit, ils semblaient s’étendre de façon infinie. Tu pouvais pas parler, tu pouvais pas entendre, tu pouvais pas respirer sans le tuyaux dans ta trachée, tu pouvais rien faire d’autre que de rester allongé à attendre.
Mais attendre quoi, en fait ?
La mort ?
Elle t’a oublié à l’arrêt de bus. Même quand t’as essayé de la ramener à toi, elle est pas venue. Peut-être parce que Vanessa t’as caché d’elle quand elle t’as pris dans ses bras et t’as serré fort, fort comme si tu risquais de partir si elle te lâchait.
Pleure pas Vanessa. Je le ferais pas Vanessa. Promis Vanessa.Une promesse c’est une promesse, après ça, t’avais pas trop le choix que de continuer.
A l’hôpital, t’avais reçu une carte signée par toute la classe, mais quand t’es enfin revenu, t’avais loupé tellement de semaines d’école qu’on a préféré te faire commencer avec la volée suivante, alors tu t’es retrouvé au milieu d'inconnus.
Pleins de nouveaux yeux rivés sur toi.
T’as pas fait long feu: tes dernières années d’école obligatoire, tu les as passées à la maison, à te faire faire les leçons par ta mère.
Ça n'avait pas l’air de la déranger. Rien de tout ça n'avait l’air de la déranger. Elle embrassait toujours le haut de ta tête au moment de te dire bonne nuit. Elle n'a pas arrêté de te sermonner quand ta frange te tombait sur les yeux. Elle était même toute contente d’avoir trouvé un livre sur les smoothies pour pouvoir encore cuisiner pour toi.
Ça t’as pas empêché de la surprendre à pleurer au-dessus de l’album photo toute seule tard dans la nuit.
Le lendemain, elle te souriait de nouveau comme si de rien n’était. Faut dire qu’elle a toujours cru dur comme fer à la loi de l’attraction, alors elle s’efforce de sourire à travers les obstacles de peur de manifester un autre malheur.
Tu fais pareil, pour ne pas l’inquiéter.
Après ton diplôme, t’étais complètement paumé. De bonnes notes, mais aucune envie de retenter l’expérience scolaire. Pas de projets d’avenir. Pas d’aspiration. C’est à cette période que t’as dû faire ta promesse à Vanessa. Entre deux opérations, elle te baladait à gauche et à droite la nuit après la fin de son service. Au skatepark pour qu’elle t'apprenne des tricks. Au drive-thru à la limite de la ville pour boire un milkshake, le seul truc sur le menu que tu pouvais bouffer avant que le doc te fracture la mâchoire pour la remettre en place correctement. Aux abords des festivals, là où on peut entendre la musique sans se mêler à la foule.
Elle matait même des films d’horreurs grotesques avec toi alors qu’elle déteste ça.
Faut dire qu’après avoir vu ta gueule en charpie et tenu ton petit corps tétanisé contre elle, elle a probablement eu sa dose d’images cauchemardesques.
L’odeur de la chair brûlée, on ne l’oublie jamais.
Peut-être qu’elle se sentait un peu coupable; peut-être qu’elle voulait juste te changer les idées. Tout le monde s’est un peu passé la responsabilité de ce qui est arrivé. Tes parents pour avoir fait de toi la condition pour que ta sœur aille fêter le 1er Août avec ses potes. Ta sœur pour ne pas avoir gardé un œil sur toi ou son ex, comme si c’était lui aussi un môme. Lui pour avoir allumé une putain de fusée sur une table de pique-nique sans penser qu’elle pourrait se renverser.
Peut-être lui un peu plus que les autres.
Même les amis de la famille, les grand-parents, les parents de tes potes de primaire, la boulangère chez qui tu allais chercher le pain quand ton père oubliait, dès qu’on posait les yeux sur toi, ça devenait poisseux. Ils avaient tous connu le Maxence d’avant. Ils avaient tous cette image-là gravée dans leur mémoire.
Fallait que tu t’en éloignes avant d’être bouffé par leur culpabilité.
Trouver un endroit où tu ne seras pas juste le pâle reflet d’un fantôme du passé.
Alors t’as cherché quoi faire. N’importe quoi, pourvu que tu partes loin d’ici.
Au final, tu t’es dit que 18377km, ça devrait faire l’affaire.
Personne a fait la gueule quand tu as annoncé ton projet, ils étaient tous emballés. Même si c’était un peu inattendu, même si c’était un truc aux débouchés hasardeux, même s’ils étaient inquiets à l’idée que tu partes aussi loin,
même avec les nouvelles de cette maladie bizarre.
Non, en vrai, là, il y a eu un moment de doute. Un ange qui passe au-dessus de la table, des lèvres pincées qui n’osent pas dire ce qu’ils pensent tout haut.
Ils t’aiment, tu n’en doutes pas.
Tu ne doutes pas non plus qu’ils ne sont pas sûr que quelqu’un d’autre pourrait le faire.
Mais ils ne pouvaient pas te freiner dans ton élan, pas alors que tu essayais enfin de te relever.
Alors ta mère t’as laissé partir avec un simple
“Fais attention à toi, mon coeur.”En se disant probablement qu’au moins, on n’en meurt pas.
Après tout, l’ex de Vanessa a l'air de s'en être remis.
- tl;dr:
✿ nait dans une famille tout ce qu'il y a de plus classique. Un papa architecte toujours à la ramasse qui peine à connecter avec ses gosses, une maman au foyer complètement convaincue par la loi de l'attraction et autre arnaque de ménagère et un grande soeur, Vanessa, avec qui il est très proche
✿ son enfance se passe sans encombre notable jusqu'à l'année de ses 13 ans, quand ses parents obligent sa soeur à le prendre avec elle à sa petite fête du 1er Août où son petit-ami allume une fusée qui se renverse et explose en plein dans son visage.
✿ grièvement blessé, il passe des semaines à l'hôpital et plus encore en convalescence. Ayant pris trop de retard sur la rentrée, il est décidé qu'il retournera l'école avec la prochaine volée d'élèves, mais il ne supporte pas le regard de ses nouveaux camarades de classe et fini sa scolarité obligatoire à domicile.
✿ la famille est irrémédiablement ébranlée par l'incident mais personne n'en parle.
✿ à 15 ans, après avoir obtenu son diplôme, il est surpris dans sa tentative de suicide par sa soeur et se retrouve à lui promettre de ne pas recommencer. Elle passe beaucoup plus de temps avec lui après ça.
✿ l'ex petit-ami de Vanessa, ayant contracté la maladie, succombe à l'Hanahaki.
✿ ne supportant plus d'être l'ombre de l'ancien Maxence, il décide de chercher un moyen de fuir le plus loin possible de son foyer et finit par se décider sur une école de cinéma à Auckland.
✿ sa famille le soutient dans ce projet malgré leur appréhension à cause des cas d'Hanahaki. Ils le laissent tout de même partir pour ne pas le freiner dans son élan.
✿ Maxence arrive à Auckland en janvier 2022 pour la rentrée.