Astréos » I look up at the gaps of sunlight I miss you more than anything

outfit parce que pq pas.

La matinée gravée dans le brillant des opales diaphanes, les phalanges dans un charivari céleste, à toquer contre les vitres glacées des aquariums, là où dansent les méduses et les anémones graciles, les poissons dont les noms semblent toujours lui échapper et les carcasses épaisses des ovipares dentés au dessus du crâne, dans le long tunnel qui les entoure de la mer sans avoir à s'y déplacer.
La matinée dans le zoo marin gravée dans la promesse d'hier, a ravivé un peu plus les craintes magentas dans le fond du poitrail, là où le sang se pompe trop rapidement, ça en donne des pulsations terrifiantes, encore jamais atteintes même lors des danses les plus endiablées.
Pourtant entre les silhouettes gamines et vieillardes, Yolène est restée toujours proche d'Astréos, l'épaule accolée à la sienne pour étendre les connaissances moindres, parce qu'en réalité à l'exception du coin où l'on voit les invertébrés scintiller, se mouvoir comme les mobiles au gré du vent elle ne se rappelle jamais vraiment, du nom de ceux qui habitent les abysses. Passion secrète comme les passions dans l'creux du ventre, Yolène a tout expliqué des années à venir ici, des peintures qui s'écroulent, des algues verdâtres qui s'enroulent autour des roches et des gros requins qui tournent toujours de cette manière là, pas d'une autre, toujours celle-là.
Lorsque le moment est venu de quitter les locaux, les joues empourprées car le froid se plaît à se repaître des chairs neuves, Yolène toujours à suivre les mouvements de l'homme à ses côtés, lui laisse le luxe de tenir le panier dans lequel elle a préparé les sandwichs et les gâteaux, les fruits et les cannettes de jus de pomme. Elle ne mangera peut-être pas la totalité de ce qui est prévu, mais elle veut bien faire un effort pour aujourd'hui, parce que c'est son jour, qu'elle peut bien en faire ce qu'elle veut.
Le bras s'enroule autour du sien lorsqu'ils approchent finalement du grand parc naturel, là où les arbres se courent après, le grand lac qui s'étend et l'herbe verte à perte de vue, le soleil a même voulu être clément aujourd'hui, malgré le froid, le vent s'est éteint et les rayons réchauffent doucement les épaules tendues par l'angoisse. Il y avait beaucoup de gens, aujourd'hui. Normalement il n'y en a pas autant... Tant pis, c'était quand même chouette ?Tu as aimé ?
Le grecque roule sur la langue comme si elle n'avait jamais cessé de le parler, mélange parfois pourtant les mots sans vraiment le vouloir, oscille entre l'anglais plat et le dialecte plus divin.

Du panier elle arrache la couverture prince de Galles et la dépose sur le sol, se débarrasse des bottes noires pour être plus à l'aise lorsqu'elle s'assoit en tailleur, ouvre le panier d'osier afin de disposer les tupperwares.
Comme les gamins excités des goûters entre amis, Yolène se rapproche et vient appuyer les mains sur le genoux de ce dernier, la langue coincée entre les dents, le sourire constant. D'ailleurs j'aime bien la chanson, Mary on a cross, elle est passée hier à ta radio. Mais j'ai pas vraiment saisi les paroles. Yolène fronce un instant les glabelles, le nez qui remonte en la langue en pirouette entre les dents, elle rabat les mains hors des rondeurs des rotules.
Mais elle ne s'y attarde pas longtemps, à la place s'encombre les paumes du sandwich, a essayé de se souvenir des goûts du gamin, pas celui de l'adulte. Je sais pas ce que tu aimes maintenant, donc j'ai fait comme les trucs qu'on mangeait dans les petits marchés à côté de l'église. Si t'aimes pas tu peux prendre le mien.
Finement emballé, Yolène glisse un ongle pour faire crisser le plastique et vient s'installer à côté de lui afin de voir le lac devant eux, les jambes pliées contre la poitrine et les bras enroulées, la tête qui vient s'affaisser doucement contre la sienne. Les souvenirs dans le crâne, les émois dans un brasier fulgurant et Yolène pince les lèvres. La curiosité comme parure dorée, elle tourne finalement la tête, détaille le nez qui se recourbe, la mâchoire qu'on aperçoit pas vraiment sous la barbe et les cils délicats, un mélange harmonieux qui en ferait lâcher le cœur. C'est lequel, le pays préféré que tu as visité ? Ça devait être bien, de pouvoir aller partout comme tu veux.
Pourtant dans les jalousies exacerbées, elle se le demande bien, s'il va bientôt repartir.

Soleil au zénith , lumière blanche aveuglante derrière les nuages, et Astréos doit lever la main sur le front pour se protéger des UV trop agressifs.
Yolène a voulu voir la faune que les fonds marins abritent et cachent, celle qu'on connaît à peine, qu'on voit à peine, qu'on oublie et dont on se désintéresse — alors Astréos l'a emmené.
Yolène a voulu parler des méduses ou des étoiles de mer, il ne sait plus trop bien, et ils se sont attardés un instant face à la vitre illuminée des chairs presque néon, presque étrange, parce qu'Astréos, qui vient des étoiles, peine à comprendre ce qui se cache sous l'eau — mais Astréos l'a écouté.
Astréos s'est même intéressé, intrigué de savoir ce qu'elle leur trouvait, à ces méduses colorées qui ne faisaient rien d'autre que d'errer dans des eaux qu'elles pensent peut-être illimitées.
Elles sont jolies, c'est peut-être ça qui l'attire. Les jolies choses, les paillettes, ce qui brille et ce qui fait pétiller les yeux.
Alors Astréos s'était un peu coiffé, du moins il avait peigné ses cheveux. Il avait apprivoisé la barbe, l'avait rendu un peu moins sauvage, pas moins fournie ceci dit, il n'a pas eu le coeur.

Il était toujours moins joli qu'une méduse, ceci dit. On ne devient pas le prince charmant qu'une danseuse étoile mérite d'un simple coup de peigne.

Astréos balance le panier au bout de son bras, se laisse porter par la ballerine gracile pendue à son bras. C'en est presque ridicule, tant ça lui paraît inimaginable, mais elle est bien là. Elle est jolie, elle est douce, elle sent les fleurs et l'enfance, la nostalgie et l'allégresse, et Astréos a un peu honte, tout d'un coup.
Yolène l'entraîne près du lac, et il se demande si c'est bien sérieux, un pique-nique par un temps pareil. Il tend le panier, la laisse installer la couverture comme elle le veut, les yeux qui suivent chacun de ses mouvements, des mains qui agitent la couverture dans les airs aux jambes qui s'entrelacent pour s'assoir. J'ai bien aimé les raies. C'est bizarre, comme bestiole.
Astréos suit, s'installe à côté d'elle, les bras lâchement posés sur ses genoux écartés. T'y vas souvent, voir les poissons? Ils font pas grand chose... A choisir, Astréos préfèrerait passer son après-midi à regarder Hector, mais il a vite compris que Yolène n'en était pas très friande, du cabot.

Astréos l'examine, la danseuse, un peu longuement, passe la langue sur ses dents, un brin interpellé par ce qu'elle raconte. Il réfléchit, tente de se remémorer la chanson dont elle parle. Les lèvres se fendent d'un sourire, entre l'amusement et la surprise. T'écoutes ce genre de musique, toi? J'imaginais pas du tout... Tu écoutes quoi d'autre?
La proximité des mains et des visages l'enivre un peu, mais il ne sait pas trop quoi en faire, alors il fait ce qu'il fait de mieux ; il imite, il laisse la tête tomber sur le côté, contre la blonde à côté de lui, et il rit un peu du bruit sourd que font les crânes qui s'entrechoquent sans pour autant se blesser.
Il ne regarde même pas le contenu du sandwich ; il sait qu'il y a de grandes chances que le contenu lui déplaise, lui qui n'est jamais satisfait, alors il se contente de croquer sans s'en soucier. De toute manière, sa situation est trop bancale pour qu'il puisse se permettre de faire la fine bouffe. Et ce ne serait pas très poli non plus, lui qui se sent déjà embarrassé aux côtés de l'élégante et tendre Yolène. La prochaine fois c'est moi qui m'occupe du pique-nique, promis. Le sourire est un peu gêné, quoiqu'il se doute que ça ne dérange pas la blonde le moins du monde, d'avoir préparé de quoi manger. Ce sera sûrement un peu plus miteux, mais bon.

Astréos pose les yeux sur Yolène à nouveau, la regarde vraiment, peine à comprendre comment les rêves du passé ont pu se matérialiser sous ses yeux à nouveau, à l'autre bout du monde, alors que des décennies se sont écoulés.
La Grèce, c'est ce qu'il aimerait dire, mais il imagine bien qu'elle ne parle pas de son chez lui. Pourtant il n'y a rien de plus beau que le ciel qui l'a vu naître, mais le peintre se force à penser, et penser fort. Eh ben, j'ai bien aimé l'Autriche. J'aime bien l'Italie, aussi, je pense que tu adorerais. Je t'emmènerais bien, mais j'ai pas de flotteurs sur mon van encore. Astréos la bouscule gentiment, pas assez fort pour la faire tomber sur la couverture, juste assez pour faire tanguer le corps. C'est chouette, au début, mais c'est pas aussi bien que de se sentir à la maison, tu vois? J'aimerais bien retourner en Grèce. Je retournerai en Grèce dès que je pourrais.
Culpabilité amère, celle d'avoir laissé la maison derrière lui, mais c'est toujours le même soleil au dessus de sa tête, toujours la même lune, alors Astréos souffle un peu. Ça te manque pas, des fois?
Il n'aurait pas retrouvé la gamine de l'église non plus, s'il s'était entêté à rester auprès de Yaya.