Eden ne lui dira jamais.
Qu’elle l’aime encore plus depuis son accident. les moments acides-amers, engloutis par les bruits de l’eau, et les yeux perdus sur une destination jamais cartographiée. Il est magnifique. Peut-être que c’est le drame. Peut-être que c’est la continuité des pointillés de leur amitié. Peut-être que c’est le style. Peut-être que c’est moins évident que ça.  

Elle a surgi au milieu du néor. quand le néant bécote le décor, que la ligne d’horizon se dégrade dans le ciel. Eden, les petons enfoncés dans le sable, où les orteils malaxent la coque creuse d’un bigorneau, et les lèvres bleuies de froid. La housse du cerf-volant, un grand rose et jaune, frappe sa cuisse à chaque secousse du vent qui leur postillonne de l’eau de mer au visage. Avec ce vent, on pourrait accrocher un de nous deux en l’air. Eden y pense. les doigts pliés au fond des poches du caban de laine grise. A regagner le ciel. gris et blanc, qui balaye le sol d’une lumière traversante, se moque d’avoir l’air si austère.

Les yeux accrochés au plafond duveteux, Oliveira échappe un sourire mystérieux. la langue claquée au palais pour dérider le silence. Et dézippe son drapeau de coeur. Tu veux quelle poignée ? On l’attache à ta béquille ? Verte pour la droite. Rouge pour la gauche. Kickers est remarquable. Les doigts manucurés font des tourniquets sur l'appareil pour s’assurer qu’il n’y a ni nœud, ni défaut sur le fil jauni du jouet que lui ont prêté les Brown.

Les mains et les yeux pris, Eden se sent moins ennuyée par sa personne. Aditi se tape une autre fille. Elle sait pas que je sais. Un ruban estropié craque sous les dents d’Eden. Ca me gonfle. Pourtant, je l’aime pas. De ses mèches, la brune défait un autre lacer rose pour remplacer celui arraché. pour s'envoler aussi en quelque sorte. C’est injuste de ma part non ? Faut que je me décide à lui en parler. les manettes, rouges et vertes, coincées entre les genoux, Eden admire la toile énorme tendue par des tiges de fer souples.

Un petit sourire satisfait, elle tourne pour être en face de Kenzie. Tu l’envoies en l’air ? Je veux prendre la photo. Et sans laisser la place pour une réponse, Eden lui fourre dans les bras, s’arme de son cellulaire déjà un genou par terre.