Sugar Rush ✿ Charlie Callaghan

Pour une fois, tu avais dormi chez toi, dans ton lit, seul sur ton matelas deux places. Tu avais laissé la fenêtre. Tu ne voulais pas sentir cette fleur quand ton nez ne sera plus habitué à l’odeur.

Pas du matin le Chacha. Tu dormais encore quand tu entends le ping de ton téléphone. Un message. Si tôt ? Il était 10h, c’était raisonnable, pour le commun des mortels. Tu as attrapé ton portable en grognant. Le froid sur ton bras te faire frissonner, et tu disparais sous la couette pour le lire. La lumière te brule les yeux, même si ton tel est en mode nuit.

J’ai pensé à toi.
Avec une photo pour des cours de pâtisseries ce soir.

Tu regardes l’expéditeur. Zuzu. Ça faisait longtemps. Tu tapotes un « grave ! comptes sur moi », mais tête dans le cul, tu oublies de cliquer sur envoyer. Et tu te rendors.

Quand tu te mets en marche, tu avais passé la journée au calme, chez toi. Un besoin de solitude, de repos, de ne voir personne. Tu n’as pas toussé de la journée. Cela ne voulait pas dire que les fleurs ne poussaient pas en toi. Ce n’était que du répit, tu le savais. En attendant, tu allais revoir le Japonais. Tu étais bien content qu’il pense à toi. Tu avais vraiment besoin de voir des têtes que tu ne voyais souvent, de passer un autre type de moment qu’avec tes meilleurs amis, et Naoki juste à côté.

Tu lui fais signe en souriant quand tu arrives sur le lieu de rendez-vous. Vraiment, ça te faisait plaisir. Le pauvre s’excuse déjà pour t’avoir invité à l’arrache, qu’il ne savait pas si tu allais venir. « T’as pas vu ma réponse ? » Tu étais persuadé de l’avoir envoyé, alors tu sors ton téléphone et vérifies. Oups. « Ah désolé, j’ai oublié d’appuyer sur envoyer. J’étais dans le gaz quand j’ai reçu ton message. » Tu ne lui diras pas qu’il t’avait réveillé. « C’est sympa d’avoir pensé à moi. Ça fait plaisir de te revoir ! » Tu souris. « Pour des pâtisseries en plus. Tu me connais, j’accours toujours pour des pâtisseries. » Il savait bien que c’était ton péché mignon maintenant.

Il te tend un tablier R2D2 et tu t’exclames. « Trop bien ! Je vais parler en bip-boup pour le reste de la soirée. Tu seras chargé de traduire, je compte sur toi. » Hand-guns accompagnés d’un clin d’œil.

Vous entrez dans le bâtiment et tu te présentes, présentes Izumi, donne le motif de votre venue. On vous demande de suivre jusqu’à la cuisine où quatre autres binômes sont déjà en train de mettre leur tablier. Naturellement, tu te diriges vers le fond, une vieille habitude de l’école. C’était là qu’on pouvait dormir quand les cours devenaient trop chiants, et ils étaient souvent chiants (sauf les cours de math). Tu poses tes affaires avec les autres et met ton tablier. Ah tu es magnifique en R2.

« Bip-boup ? Bip boup bip. » tu demandes à Zuzu, juste pour l’embêter. Juste pour voir un sourcil se lever quand il se demandera ce que tu veux bien dire par là. Tu regrettes de ne pas pouvoir lui ébouriffer les cheveux au risque de lui retirer le serre-tête. Toi tu n’avais pas vraiment fait d’efforts mais tes cheveux ne te gênaient pas.

La prof arrive et vous présente le programme du jour : un fraisier.
Nom nom nom.

Ah ! Il répond à ta bêtise en imitant C3PO et ça te fait bien rire. Tu vois la prof de cuisine vous faire des gros yeux. Oops. Restons sérieux et disciplinés. Izumi était déjà le nez dans la recette et tu regardes par-dessus son épaule. Tu n’avais jamais vraiment eu goût pour la cuisine et tu faisais en général que des plats simples : pâtes + sauce au choix.

Autant suivre les instructions du Japonais, il avait l’air plus à l’aise.

« Désolé d’avance, je ne cuisine jamais, je serais capable de faire cramer de la farine. C’est mon père qui cuisine chez moi. » En général, on ne cuit pas la farine comme ça sans rien, tu le savais. Mais il avait l’image.

Tu prends les œufs, regardes combien il en faut et le casses dans un saladier en retenant le jaune avec tes mains. Le blanc visqueux dans tes mains te fait toujours autant rire. Tu inspectes pour les coquilles, ça tu savais. Hop, les jaunes dans un autre saladier. Puis tu pèses le sucre, la maïzena. Fouet en main tu commences à battre le sucre et les œufs. Comme un fou. Il faut que ça soit blanc non ? Quand ça a une couleur d’intérieur de coquille d’œuf avec plein de bulles, tu ajoutes la pseudo-farine qui vole sur ton tablier, tes mains, la table. Ok, donc on va y aller doucement. Et Zuzu qui se moquerait presque. « L’habitude de battre mais pas dans ce sens. » Petit sous-entendu salace à la Chacha, Izumi va devoir s’habituer.

Moins taré sur le battage que tout à l’heure, tu mélanges la pâte qui offre un peu plus de résistance maintenant. Tu supposes qu’il ne faut pas de grumeaux.

Tu pouffes. Ne pas savoir s’il va garder sa part. Quelle question. « Même si c’est pas bon (ça m’étonnerait), moi je la garde pour moi ! » Quand il s’agissait de pâtisserie, tu étais égoïste. Et puis tu n’aimais pas gaspiller. On ne gâche pas, on prend ce qu’on mange. C’est dans ce genre de philosophie que tu avais élevé. Aussi parce que ta famille était plutôt modeste même si ta sœur plus âgée s’en sortait extrêmement bien. C’était elle qui te prêtait de l’argent pour faire tes études à Auckland après tout. C’est qu’elle en avait les moyens.

Et puis, tu n’étais pas à un poison près en ce moment.

Il lit la suite de la recette, se demande ce qu’est le feu moyen et tu ris. « Je suppose qu’on met à la moitié de la température max. » C’est 10, alors le feu moyen ça doit être 5. Smart, Chacha.

Tu es prêt et Zuzu verse le contenu de sa casserole. Tu fouettes, et tu fouettes. Ton bras gauche commence à fatiguer, tu changes de main, et de position pour éviter de te prendre la casserole brulante.

Retour au feu, tu fouettes encore. Tu regardes la recette en appuyant sur la tablette avec ton index plein de farine. « Faut 90g de beurre après. » Tu lui rappelles. Pendant ce temps, tu fouettes encore, le mélange épaissit. Tu vérifies encore une fois la recette. « BIEN épaissir » qu’ils disent. Tu supposes que quand ça tient sur ton fouet tu peux arrêter. « Beurre, Soldat ! » tu commandes en rigolant. Tu fouettes encore et c’est une torture de faire des ronds comme ça. Tu n’as vraiment pas l’habitude. Tu es bien content que ça s’arrête.

« Je comprends mieux pourquoi les pâtissiers ont des biceps de compet’. » Tu te masses chacun des bras, flex devant Zuzu. « J’ai bien gagné 1 cm de tour de bras non ? » Tu tâtes tes muscles, qui ne sont pas aussi forts qu’il y a quelques années quand tu habitais encore chez tes parents. Ouais non, faut pas déconner.

La vantardise te prend quand Izumi te complimente, et tu te gausses de tant d’admiration. Le Japonais savait bien aller dans le jeu, c’était plaisant. Tu préférais les gens qui te suivaient dans ta bêtise. « Oh toi, beau parleur. » tu renchéris avec exagération. Et il tâte ton pauvre muscle qui avait connu des jours meilleurs quand même, mais les vacances allaient te les refaire travailler un peu, du moins pour les deux semaines que tu allais passer chez tes parents. Tout aussi loin de Auckland et du responsable de ton mal-être.

Tu rigoles encore, ignorant les regards dirigés vers vous. Après tout, tu ne prenais pas vraiment tout ça au sérieux. C’était surtout l’occasion de passer du temps avec Izumi. Lui qui d’ailleurs t’annonce l’entrée dans la course du batteur électrique pendant que tu termines de te dépatouiller avec le film alimentaire qui te colle aux doigts. « Hey ! Pourquoi on n’a pas utilisé ça dès le début !? Tu voulais me voir galérer avoue ! Mécréant ! » Main sur le cœur, tu as l’étonnement tragique pendant quelques secondes. « Comment OSES-tu !? »  Tu soupires avec exagération (oh là là je suis le drama), pour rigoler, et tu t’occupes des blancs et du sucre. Hop dans le bol.

Tu regardes les blancs monter, et monter et monter, et Izumi qui te taquine une nouvelle fois. « Et en plus tu n’es pas satisfait de mon battage ! C’est quoi ça ? La révolte des gnomes !? » Gnome qui te colle du blanc en neige sur le nez sans que tu n’aies pu le temps de le contrecarrer. « Tu ne paies rien pour attendre si tu commences à compter les points ! » Il allait manger ta vengeance froide.

Mais en attendant de trouver la bonne chose à faire, tu lis la suite de la recette, amènes les fraises à toi et les équeutes. Et Zuzu qui t’en quémande te fait sourire. Tu en prends une entre tes doigts encore farineux. « Attrape ! » Tu la lui lances à la figure, et sans même regarder le résultat que tu affirmes être en ta faveur, ton continue.

Une deuxième fraise.
« 1/2. »

Une troisième.
« 1/3. »

Une quatrième que tu lui mets directement dans la bouche parce que quand même. Tu lui ébouriffes les cheveux en lui collant de la farine dedans pour la peine, sans vraiment faire gaffe. Il était vraiment drôle Zuzu. « T’es nul pour attraper les fraises. Ça doit être un talent de Minimoys. » En vrai, heureusement que les fraises étaient tombées sur la paillasse, tu n’aimais pas gâcher la nourriture.

La suite n’a pas l’air trop compliqué. Tu pèses la farine et la tamise comme tu penses qu’il faut faire. « Ils disent de mélanger délicatement... » Mais tu ne sais pas vraiment comment. Tu veux regarder les autres faire mais étant dans le fond, ils te tournent tous le dos. Tu te déplaces jusqu’à un des binômes, les saluant au passage pour leur demander comment ils faisaient. Tu reviens, conseil en poche et tu te mets à mélanger en espérant ne pas tout casser, parce que faut pas casser la neige apparemment.

Tu lui colles un peu de pâte sur la joue avec ton pouce. Tu reprends un pseudo sérieux presque immédiatement. « Allez aide-moi au lieu de faire des bêtises. » tu le taquines alors que t’es pas mieux quand même. Tu tiens le bol pendant que Izumi verse le contenu dans le moule. La génoise enfournée, il ne vous restait plus qu’à attendre. Vingt minutes pendant lesquelles il faudrait ranger et cette perspective ne te plaisait guère.

Abandonné.