La fête battait son plein depuis un moment et l’ambiance était au rendez-vous. Une musique énergétique faisait vibrer quelques murs, certains groupes s’étaient unis pour piailler ensemble et profiter d’un moment de camaraderie si l’on peut appeler ça comme ça. Dans l’un des coins, accompagné de son seul verre de vin blanc de la soirée, Vani observe ses collègues discuter et échanger. Elles ricanent, pointent du doigt plusieurs hommes et femmes plus loin en se bousculant et se chamaillant. Pendant un moment, Vani se demande si c’était si différent de son adolescence et de son vécut une fois arrivée au lycée. Doucement son esprit dérive, comme si le décors changeait lentement, comme si tout était remplacé mur après mur, table après table, verre après gobelets.
Vani savait ce que c’était d’être différent des autres. Sans même parler du racisme qu’elle avait pu croiser sur sa route à différents moments, parfois sans la maturité nécessaire pour y faire face convenablement, avoir des manières de fonctionner si différentes des autres humains. Ne jamais se fondre dans la masse, comme un alien qui se force à sourire. Qui essaye de toutes ses forces d’avoir simplement l’air d’une jeune femme qui ne rêve que d’aller danser au bal et de rire avec ses copines.
Mais la jeune fille a fait du chemin depuis les débacles de l’adolescence. Désormais son sourire parfait pourrait tromper le plus attentif de ses amis. Si l’on n’y regarde d’assez peu près, on pourrait même penser qu’elle en est à son troisième ou quatrième verre vu le nombre de fois ou elle le porte à ses lèvres. Mais il n’en est rien, à part de la comédie. Juste un petit tour de passe-passe alors que personne ne regarde. C’est à ce moment que le groupe décida d’un commun accord d’inscrire la belle Vani à la loterie, sans vraiment lui demander son avis.
« Histoire de tu fasses autre chose que taffer ! » qu’elles avaient dit. Elles avaient raison, dans le fond. Même si la méthode était sujette à débat.
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Les pieds à l’air libre dans la fraicheur relative de la soirée, Vani était entrée dans la salle sans même pouvoir entendre les talons de ses sabots Maison Margiela, les mains se pressant nerveusement l’une dans l’autre. Elle se serait attendue à être accompagnée d’une amie pour cette soirée, mais le sort en avait décidé autrement. Toujours aussi nerveuse, la jeune femme pousse le pan blanc de sa veste de tailleurs pour en sortir l’enveloppe précédemment reçue et en tirer l’invitation. Son regard passe du carton aux tables puis inversement en se mordant la lèvre inférieure.
L’idée d’être trop bien habillée ne l’avait pas traversée : ses vêtements se devaient d’être portés et l’extravaguance n’était même pas vraiment de mise. Le tailleur blanc Chanel était impeccable et les sabots noir faisaient un parfait rappel au crop top en dentelle qui dévoilait sa gorge mais couvrait sa poitrine et le haut de son ventre. Doucement, elle pousse sur ses phalanges pour les faire craquer alors qu’elle prend place à la table numéro 7. Pas un chat, pas l’ombre d’un ragondin ni d’une souris. En dehors d’elle.
Son museau se redresse vers la salle, cherchant du regard la fameuse loterie qu’on lui avait vendue. Celle pour laquelle elle s’était présentée. Parce que c’était toujours de ça qu’il s’agissait n’est-ce pas ? La naiveté n’ayant de compétition que dans ses troubles de la concentration, elle fouilla son sac pour pousser de côté le paquet qu’il contenait afin d’attraper son téléphone et de prendre une photo des environs. La décoration était assez impressionnante, comme si toutes les lumières se réfléchissaient dans milles joyaux.
Vani avait encore perdu le sens de ses priorité, se tordant sur son siège pour essayer de prendre une vidéo de l’endroit, pivotant doucement sur son siège pour finalement rencontrer un torse inconnu. Rougissante, elle relève le téléphone avec la caméra et se contente de rire doucement.
« Oh, bonsoir. Désolée » Elle coupe l’enregistrement un instant, reposant l’iphone sur la serviette près d’elle.
« Je… Vous avez le 7 aussi ? » Quitte à avoir l’air de ne pas savoir agir en société, autant avoir les informations utiles au bon déroulement de la soirée.