Au crépuscule des cœurs [PV Charlie Callaghan]

Trop dans le mal, tu entends à peine les marmonnements somnolents. Une histoire de caleçon et de fuite. Si cette Dana avait peur d’un sous-vêtement, alors c’était qu’elle avait un petit problème de timidité. Il n’y avait rien de gênant. Quoique Naoki avait eu une réaction similaire en te voyant en lendemain de soirée. Pour toi, c’était simplement une histoire de culture.
De toute façon, tu n’aurais pas plus de détails car déjà sa respiration se fait plus lente. Tu ne tardes pas à le suivre après un vite scroll sur ton téléphone.

T’as presque bien dormi si tu mettais les micro-réveils constants à coup de dégage, tu prends trop de place ou simplement le collais-tu trop comme tu en avais l’habitude. Pas vraiment de ta faute.
La lumière dans la figure, t’as recouvert ta tête de la couette. Douce illusion que de croire que tu te rendormirais, alors tu ne fais que somnoler après avoir bu à la bouteille d’eau que tu avais placée par loin de toi.

Ce n’est que peu de temps après que tu sens la couette remuer, laissant entrer la fraicheur. Lentement, tu émerges de sous ta cachette. Ah t’es pas du matin. T’as la tête dans le cul mais tu réussis à marmonner un « salut » avant de passer une main sur ton visage. Dure l’émergence. Tellement dure que tu manques de peu la détresse sur celui de Naoki, mais pas dans sa voix.

Wow. Tout doux. Dès le matin-là !?

« Eh oh. » T’as grogné, sentiment d'être attaqué. « Tu dois avoir une bien mauvaise opinion de moi pour croire que j’ai profité de toi quand t’étais simplement ivre mort. Merci mais je ne fais pas dans le viol. »

Ça ne te viendrait même pas à l’esprit de faire ce genre de choses. Déjà parce que t’es pas fan de ça, encore moins quand il n’y a pas consentement. Si tu avais la dernière, à la limite tu le ferais pour faire plaisir, mais seulement avec quelqu’un que tu apprécies, à défaut d’aimer comme tu l’aurais préféré.

Tu te redresses dans le lit et reprends de l’eau. Gueule de bois, mais loin de ce que devrait vivre le Japonais. Entre ça et les fleurs.
Mais tu ne fais pas de remarque, tu n’aurais pas aimé qu’on t’en fasse.

« Dans le placard au-dessus du lavabo de la salle de bain. Fais pas gaffe au bordel. Tu peux m’en prendre un ? »
Parce oui, toi aussi t’as une belle barre sur le front.

Doliprane avalé, tu finis par te lever, lunettes sur le nez, et enfin remarquer que tu avais mis ton t-shirt à l’envers. Toi non plus tu n’étais pas si frais que ça hier soir. T-shirt à l’endroit, cheveux toujours aussi en vrac, tu te diriges vers la cuisine où tu fais chauffer la bouilloire.

« Tu veux du thé ? Désolé j’ai pas ce que tu manges au petit déj d’habitude. » T’as que des céréales en vrai. Des œufs peut-être.
T’es parti du principe qu’il allait au moins rester pour boire un thé. Thés que tu sors du placard. Comme ça, il pouvait choisir celui qu’il voulait.

« Fais comme chez toi, viens t’assoir. »

Tu t’installes sur la pauvre petite table que tu ne peux partager qu’à deux personnes. Tu te sers, ton rituel du matin imperturbé par la présence de ton invité. Tu devais mettre au moins un truc au clair. « Si tu t’inquiètes pour les fleurs, je ne dirai rien à personne, promis. »

Le grognement qui suivit la salutation lâchée dans un murmure endormi lui fit écarter légèrement les doigts pour jeter un œil en direction de Charlie. Le soulagement qui s'empara de lui en apprenant qu'ils n'avaient rien fait dans ce même lit laissa rapidement la place à la surprise puis à l'embarras. Pourquoi le brun tirait-il toujours des conclusions hâtives à ses phrases volontairement laissées en suspension ? Le japonais songea qu'il allait devoir y remédier, au risque que l'autre continue à se méprendre à son sujet.

« Je n'ai jamais dit que c'était le cas... Mais qui sait ce qui a pu arriver en étant ivres tous les deux... Déjà que tu m'as collé toute la nuit... »

S'il ne tenait pas l'alcool en général, cela faisait une éternité qu'il n'avait pas fini dans cet état. Ses souvenirs de la veille étaient flous, encore sous l'effet des vapeurs d'alcool qui perturbaient son esprit mais à en juger par l'expression de Charlie, ce dernier n'était pas en reste concernant la gueule de bois. Certainement moins que lui mais pas plus frais pour autant. Sitôt que l'information lui parvint, Naoki ne se fit pas prier pour prendre la direction de la salle de bain. Par chance, la distance entre le lit et celle-ci n'était pas bien grande. Il ne mit pas longtemps à trouver l'objet de sa convoitise, la vue de la petite boîte de médicaments réveillant sa migraine.

Laissant le soin au plus jeune de s'activer, le japonais se mit en quête de son T-shirt. En découvrant ses vêtements éparpillés sur le sol, il put sans difficultés retracer son chemin de la veille, entre la porte du studio et le lit. Heureusement, son haut n'empestait pas l'alcool et Naoki s'empressa de l'enfiler, n'ayant aucune envie de traîner dans cette tenue en présence de Charlie. La voix de ce dernier lui fit tourner la tête, juste à temps pour apercevoir la boîte à thés qu'il dépose sur la table. Comme une invitation silencieuse à le rejoindre. Invitation qui ne tarda pourtant pas à franchir les lèvres de son interlocuteur.

« Du thé sera très bien. »

Incertain de l'attitude à adopter, le japonais prit place à son tour, maladroitement, préférant dévouer toute son attention sur l'étude des différents sachets de thé plutôt qu'entamer la conversation entre eux. Deux questions en particulier le taraudaient méchamment. Plus s'il tentait d'imaginer ce qu'avait pu être le déroulé de la soirée. Devant son silence, le brun le brisa le premier entre eux. A ses mots, Naoki releva la tête, cherchant machinalement le regard de son interlocuteur. Impassible, ce dernier poursuivait son petit rituel du matin. Une indifférence qui apaisa le japonais, plis qu'il ne l'aurait cru.

« Merci... »

Le rappel de cette chose poussant à même ses poumons n'était pas plaisant. Mais se faisant, Charlie lui ôtait une épine du pied à devoir remettre le sujet sur le tapis. Pire, à lui demander – le supplier – de ne rien dire aux deux autres. Une nouvelle fois, Naoki eut l'impression d'être renvoyé des mois en arrière, quand le brun se trouvait encore dans la situation qui était la sienne aujourd'hui. Il se rappelait l'interdiction du plus jeune, son souhait de cacher la vérité. Rien d'étonnant donc que ce dernier en fasse de même pour lui. Il ne restait plus qu'un seul point à confirmer pour le japonais...

« Est-ce que... j'ai dit des choses bizarres hier ? » se lança-t-il après l'avoir remercié pour l'eau chaude versée dans sa tasse. « Je ne tiens vraiment pas l'alcool... Si je t'ai fait honte ou quoique ce soit d'autre, j'en suis désolé Charlie... »

Pas moyen pour lui de se remémorer le déroulé de la soirée, encore moins les propos échangés. Et s'il avait parlé sans réfléchir ? Que l'alcool lui avait délié la langue ? Aurait-il évoqué Jupiter ? Son passé ? Leur passé ? Plus il y réfléchissait et plus Naoki devenait nerveux à ce sujet. Au point de suspecter que derrière toute cette indifférence, le brun fulminait d'avoir appris la vérité. Ou plutôt le mensonge qui recouvrait sa vie. Non. Si Charlie se comportait naturellement envers lui, c'était bien parce qu'il ignorait tout n'est-ce pas ? Le japonais essayait de s'en convaincre, pour se rassurer. Et pourtant, il demeurait pendu aux lèvres de son interlocuteur.

Thé du matin. Doux thé du matin.
Peut-être que tu aurais pu te faire un café aussi, mais ton cœur n’avait toujours pas besoin de ça en ce moment. Combiné à la cigarette, le thé est moins destructeur.
Rituel du matin, bien que légèrement allongé pour t’occuper de ton invité. Tu te sers et entame le roulage de ta cigarette. Tu fumes dès le réveil. Mauvaise habitude qui rendrait l’arrêt encore plus difficile. Tu t’en fous pour l’instant.

Tu relèves la tête après avoir posé la bouilloire sur la table. Naoki n’a pas l’air sûr de ce qui s’est passé hier soir. Ça te fait bien sourire.

Tu pouffes. Oui, tu te moques un peu, mais tu sais à quel point c’est un sentiment très étrange que de te rendre compte qu’on a blackout une partie de la nuit. « T’inquiètes. Tu m’as juste parlé en japonais, alors si t’as dit des choses, j’ai rien compris de toute façon. »

Tu te lèves. Fenêtre ouverte, tasse au rebord, l’air frais est bienvenu dans le studio. Tu prends tout de même soin de ne pas laisser Naoki dans le courant d’air. Toi, t’as toujours trop chaud, alors un petit 10°C en pleine face ne te fait pas vraiment d’effet. Sauf pour ton mal de crâne.

Tu allumes ta cigarette, laisses ta main passer à travers l’ouverture de la fenêtre pour éviter au maximum l’entrée de la fumée.

« Ah ! Tu m’as fait un gros câlin en me disant ‘Charliiiiie je veux voir ton intérieuuuuuur’ aussi » Tu l’imites, juste pour qu’il voit à quel point il était désinhibé. Aussi parce que c’était super drôle. « Après t’as jugé qu’il était petit, je suis super vexé ! » Non, c’est faux, ça se voit à ta tête et à ton grand sourire. « Fais pas cette tête, c’était très drôle. »

Vraiment, ça faisait du bien de sourire.

« Tu voulais pas rentrer chez toi, alors te voilà. » Te déranger ? Pas vraiment. « Puis tu t’es endormi comme un ours en marmonnant un truc que c’est de la faute de Jupiter si cette Dana est partie. Une histoire de caleçon apparemment. Ça m’étonne pas de la coloc, c’est un peu la signature. »

Oh tu le faisais toi aussi.

« En tout cas, tu ne m’as rien livré de croustillant, je suis ul-tra déçu. » Mais t’as pas des masses insisté non plus. « Je comprends pourquoi tu ne veux pas faire de soirées avec nous si t’as peur de faire n’importe quoi. C’est dommage, parce que t’es super cool quand t’as un peu bu. Pas au point de ne te souvenir de rien, mais t’es plus abordable. »

C’est surtout dommage qu’il ait fallu attendre qu’il soit au bout du malaise pour être moins réservé.

« J’ai même pas pensé à immortaliser ça, bon sang. » Ça lui aurait fait des souvenirs. « Tant pis, je n’aurai aucun moyen de te faire chanter. »

Clin d’œil mutin. Tu ris, petit plaisantin.

Ainsi, il s'était exprimé en japonais en présence de Charlie ? L'idée le troubla plus qu'il ne l'aurait cru avant que cette information n'ôte un poids de ses épaules. Au moins, s'il avait fait allusion à Jupiter dans sa langue natale sous l'effet de l'alcool, aucune chance que le brun ait pu comprendre quoique ce soit. Rassuré, Naoki laissa infuser l'un des sachets de thé pendant quelques minutes avant de porter prudemment la tasse fumante à ses lèvres pour s'autoriser une première gorgée. C'était sans compter sur l'espièglerie légendaire de son interlocuteur, dont l'imitation lui fit immédiatement recracher son thé. Par chance, le liquide ne lui repassa pas par le nez mais ce fut tout aussi désagréable comme situation. Incrédule, le japonais tourna la tête en direction de Charlie, refusant de croire ce qu'il entendait. Son visage se décomposa à mesure que les détails lui parvenaient. Finalement, il se cacha le visage dans les mains, incapable de soutenir plus longtemps le regard du brun, le haut des oreilles rouges de honte.

« Parle pour toi... J'ai tellement honte. »

Pour s'occuper les mains à autre chose que de masquer son embarras, il attrapa le rouleau d’essuie-tout qui traînait non loin, pour essuyer la table, faisant ainsi disparaître toute trace du jet de thé s'étant malencontreusement échappé de sa bouche quelques minutes plus tôt. Cela fait, il reporta son attention sur le contenu de sa tasse, redoutant de porter de nouveau celle-ci à ses lèvres si son interlocuteur avait d'autres détails croustillants à lui livrer concernant la soirée d'hier. A l'évocation du déjeuner, son visage s'assombrit.

« Ce n'est pas une raison pour s’exhiber en caleçon devant une fille. » maugréa-t-il en portant la tasse à ses lèvres. « Je pensais être seul dans l'appartement. Leina était sortie faire du shopping et je pensais que Jupiter avait découché, ne l'ayant pas vu de la matinée. Ce n'est que lorsqu'il a surgi de sa chambre, à moitié nu, que j'ai compris mon erreur. Tu parles d'un tue-l'amour. »

En son for intérieur, il savait que l'apparition de Jupiter en petite tenue dans le couloir n'était pas la raison du départ de Dana. La jeune femme ne s'était pas sauvée en hurlant de terreur à travers tout l'immeuble. Mais son colocataire avait ruiné son déjeuner et le moment précieux qu'il passait avec l'intéressée. Sans parler de la manière dont il s'était incrusté, dévorant le plat de lasagnes aux légumes qui ne lui était pas destiné. En tout cas, il ne s'attendit pas à la remarque de Charlie et le japonais haussa les épaules.

« … C'est simplement que je ne tiens pas l'alcool, rien à voir avec le fait d'être plus abordable ou non. »

Il ne pouvait pas avouer que la raison derrière ses distances avec les autres occupants de la colocation se résumait à une seule personne : Jupiter. Un regard en biais quand l'autre parla d'avoir raté sa chance d'immortaliser son ivresse.

« Tu as d'autres moyens pour le faire si tu en as vraiment envie tu sais ? J'imagine déjà la réaction des deux autres en apprenant que j'ai dormi chez toi. Pendant un instant, j'ai cru qu'ils avaient deviné quelque chose quand tu étais encore... » Pause. « Merci Charlie. D'avoir passé la soirée avec moi et de m'avoir laissé dormir ici. J'avais besoin d'oublier. »

Même si rien n'avait changé. Et que la maladie continuait sa progression dans ses poumons.

« Pourquoi continuer à fumer ? Je pensais que c'était pour masquer l'odeur des fleurs. Tu risques de ne plus pouvoir t'arrêter à force de continuer comme tu le fais. » commenta-t-il simplement.

Sa tasse à moitié vidée de son contenu, le japonais se mit en quête de son pantalon et plus particulièrement de son téléphone portable. L'heure affichée sur l'écran rectangulaire lui arracha une grimace et pour une fois, ce n'était pas la migraine la fautive ! Mais alors qu'il désactivait l'écran de veille d'un mouvement du pouce, plus par habitude que réel besoin, une notification sur un célèbre site de partage de vidéos en ligne attira soudain son attention. Pressant celle-ci du doigt, Naoki lança aussitôt Youtube pour visualiser ce qu'il devina aussitôt être une publicité. Étrange cependant qu'il reçoive une notification pour une simple publicité.

« Hé Charlie, viens voir ! » appela-t-il soudain, en montrant son téléphone au brun. « Regarde ça, ils vont commercialiser des médicaments pour soigner la maladie. »

Une lueur d'espoir dans l'incertitude et les doutes qu'incarnait l'avenir au lendemain d'une gueule de bois.