Lolly est bien embêtée face à sa pile de vêtements abandonnée sur son canapé. Cela ne change pas de ses habitudes, elle met toujours beaucoup trop de temps à chercher la tenue parfaite et tout ce qui ne lui plaît finit par joncher le sol. Seulement d'habitude, il n'y a personne qui peut voir dans quel état son appartement se retrouve à chaque fois que Lolly y cherche quelque chose. Aujourd'hui, elle attend Philip pour passer une après-midi ensemble et même si Lolly n'avait pas à sortir, elle est elle-même en retard. Il ne devrait pas tarder à arriver, mais son appartement est toujours dans un piteux état. Elle ne peut pas se permettre de laisser ça comme ça, elle ne peut pas montrer ses pires défauts aux autres. Elle n'a même pas vraiment fini de se préparer, ses cheveux ne sont toujours pas coiffés mais elle n'a plus le temps. Ronchonnant à voix haute, elle doit se raisonner à faire un simple chignon à la va-vite pour éviter que ses longues mèches finissent par la gêner pendant son rangement express. Elle n'aime pas ça, mais pour le coup elle ne peut qu'en vouloir a elle-même d'avoir pris trop de temps à savoir quelle robe mettre aujourd'hui.

Elle ne réfléchit plus vraiment à ce qu'elle fait, laisse de côté le grand soin qu'elle a d'habitude envers ses pièces pour qu'elles ne finissent pas froissées sur leurs ceintres, mais cette fois-ci elle n'a plus de temps à perdre. Elle préfère ignorer le désastre qui commence à prendre forme dans son armoire et elle ferme les portes brusquement pour tout oublier. Au moins, d'un point de vue extérieur son appartement semble un peu plus rangé comme ça. Elle retourne dans le salon pour continuer son rangement, remettant ses bricoles à leur place initiale. Ce n'est pas parfait, elle le sait bien, mais c'est déjà fini. Elle entend la sonnette retentir dans son salon, prévenant déjà l'arrivée de Philip.

Lolly soupire, déjà fatiguée de tout son rangement précipité. Mais elle ne peut pas se montrer comme ça devant son ami, elle se regarde quelques secondes dans un miroir accroché au mur, recoiffant rapidement sa frange à l'aide de ses doigts, puis elle sourit à son reflet avant de détourner le regard et d'aller ouvrir la porte.

« Philip ! Je suis contente de toi voir, viens rentre vite. »

Toute souriante, Lolly ne lui laisse pas vraiment le temps de parler et elle l'accueille directement à l'intérieur en l'attrapant doucement par la main. Elle ferme la porte derrière elle et avance dans le salon de quelques pas avec Philip, reprenant directement la parole.

« Mets toi à l'aise, fais comme chez toi. Tu veux peut-être quelque chose à boire déjà ? J'ai un peu de tout, je crois. »

Lolly n'attend pas, elle cherche juste à ce que son ami soit à l'aise mais peut-être qu'elle n'arrange pas les choses en le pressant un peu trop. Mais Lolly n'a pas vraiment l'habitude d'accueillir des personnes dans son intimité, elle préfère toujours aller chez les autres, au moins là bas il n'y a rien qui peut lui rappeler de mauvais souvenirs.

Lolly secoue la tête lorsque Philip espère poliment ne pas l'avoir fait attendre. C'est même tout le contraire, mais elle se le garde bien pour elle, elle se doute que si elle le dit, Philip se sentirait désolé d'être arrivé si vite, et ce n'est pas ce qu'elle veut. Philip est bien trop gentil et Lolly ne peut s'empêcher de le couver encore plus, pour qu'il évite d'avoir à l'être avec elle. Elle l'aime bien, son petit Philip. Elle aime bien imaginer que c'est son petit frère, un qu'elle n'a jamais eu elle même la cadette de la famille. Et pourtant, Philip, il a son âge mais il lui paraît si fragile, si sensible. Il lui rappelle un peu elle, au fond, Lolly lui ressemble, mais elle ne le montre pas. Elle préfère son masque de grande fille assurée.
Elle l'accompagne jusqu'au canapé, mais elle reste debout en lui proposant à boire, non sans jeter un regard curieux vers la boîte qu'il a ramené avec lui. Elle ne peut s'empêcher d'arborer un grand sourire ravi lorsque son ami répond à sa question silencieuse et elle frappa dans ses mains avec enthousiasme :

« Fabuleux ! Tu sais que j'adore ça ? J'ai sûrement dû te le dire une fois, mais c'est adorable vraiment, tu n'étais pas obligé Philip. Mais j'apprécie. Je vais te chercher ton ice-tea. »

Elle le laisse quelques secondes. Lolly n'est jamais loin de toute façon, car sa cuisine est ouverte sur le salon alors elle n'est que dos à Philip en cherchant la bouteille d'ice-tea dans son frigo. Elle prend deux verres rose bonbon qui lui ressemblent bien avec elle et elle s'approche de nouveau du canapé avec tout ça dans les bras. Elle pose les verres, les remplit chacun avant de s'installer lourdement à côté de Philip ses jambes jusqu'à la table basse, soupirant.

« Oh oui ça va... Même si je dois t'avouer, je sais que tu me jugeras pas, enfin j'espère, j'ai dû ranger tout mon appartement avant que tu n'arrives, je me suis un peu laissée allée sur le bazar alors si tu vois quelque chose pas à sa place, c'est normal. Mais ne me dis rien ! Je ne veux pas être rouge de honte, ça restera un secret. Et toi, tu vas bien Philip ? Tout se passe bien à la fac j'espère, faut pas que tu finisses comme moi... »

Lolly parle toujours trop, elle prend trop de place sans se rendre compte, mais c'est qu'elle se sent à l'aise avec Philip. Puis surtout, Philip est plus discret, elle n'a pas envie de laisser de blanc trop gênant pour eux deux, ça ne dérange pas Lolly de parler à sa place. Elle attrape par ailleurs son verre et lance un petit regard vers son ami pour l'inviter à trinquer. Puis elle le laisse parler, autant qu'il veut, ce qu'il veut bien lui dire. Elle le regarde avec un leger sourire, elle acquiesce pour lui montrer son attention. Lolly ne veut pas que Philip se sente mal à l'aise, elle aimerait bien qu'il puisse l'être autant qu'elle. Mais elle ne veut pas forcer.

De toute façon, si Philip vient la voir c'est souvent pour lui poser des questions, s'intéresser au maquillage ou aux jolis vêtements. Lolly n'a aucun mal à lui donner des conseils, elle adore ça et tout le monde sait que dès qu'on la lance là dessus, elle ne s'arrête plus. Seulement, le souci c'est que tout ce qu'elle dit, ce n'est pas vraiment pour Philip. Lolly ne saurait pas vraiment dire si cela lui intéresse vraiment, il était venu la voir la première fois en prétextant que c'était pour une amie ou une cousine, elle ne se souvient plus. Lolly veut bien le croire, c'est sûrement vrai, Philip n'a pas de raison de lui mentir, pas vrai ? Mais Lolly aimerait bien rencontrer, cette fille qui pourrait profiter des conseils directement.

« D'ailleurs Philip... C'est quand que je pourrais rencontrer ta... euh, cousine c'est ça ? J'espère qu'elle apprécie les idées que je te donne, mais ça pourrait être plus cool à trois, tu penses pas ? Enfin, je peux comprendre si c'est pas possible, pardon si je suis trop avenante. Moi ça me dérange pas d'en parler qu'à toi, je suis juste un peu curieuse, tu comprends ? »

C'est surtout que Lolly, elle aime faire de nouvelles rencontres, et c'était une occasion en or si cette fille aimait les mêmes choses qu'elle.

Après avoir beaucoup parlé, trop parlé, Lolly écoute attentivement Philip répondre à toutes ses questions. Pour une fois, elle reste silencieuse, surtout quand il lui dit être sûr qu’elle s’en sort bien mieux dans sa vie que ce qu’elle peut lui dire. Lolly hausse simplement les épaules, un soupir comme seule réponse. Elle n’est pas vraiment d’accord, sa vie est certainement un désastre à ses yeux, mais elle ne veut pas imposer ses états d’âme à Philip. Bien qu’elle soit franche, elle ne l’est plus vraiment quand il s’agit de dire ce qu’elle pense honnêtement d’elle.
À la place, Lolly préfère prendre une grande gorgée de sa boisson, elle préfère changer de sujet en croisant les jambes. Parce que c’est toujours la solution facile pour ne pas laisser les pensées négatives l’envahir, surtout pas quand elle a un invité à la maison.

Elle retrouve bien vite un sourire radieux en posant son regard sur Philip, elle lui pose des questions sur cette mystérieuse cousine qui les a indirectement rapproché tous les deux. Lolly aimerait bien la rencontrer, cette fille qui aime tout comme elle, mais pas que pour cette raison... Cela l’intrigue de savoir que Philip semble avoir une proche qui le pousse à demander conseil auprès de Lolly, elle aimerait bien connaître les connaissances de son ami, ce jeune homme qui lui semblait toujours subir la solitude un peu trop fort. Peut-être que ce serait mieux s’ils étaient trois, peut-être qu’il se sentirait plus à l’aise, qui sait. Mais la réponse de Philip n’enchante pas trop Lolly.

« Oh... Je vois. En effet si elle n’habite pas à Auckland c’est compliqué et je comprends. »

Lolly ne devrait pas être autant touchée par cette nouvelle, ce sont des choses qui arrivent après tout. Seulement, cela lui fait directement penser à sa sœur qui est restée à Liverpool, en Angleterre. Cela lui fait un peu mal de comprendre que même l’Australie c’est déjà trop loin d’ici, alors l’Angleterre... Elle regrette d’être partie aussi loin sur un coup de tête, elle se sent bête, Lolly. Elle essaye de ne pas se morfondre sur son triste sort, elle ne veut pas inquiéter Philip, elle ne veut pas avoir à dire à voix haute ce qui l’inquiète. Heureusement, c’est son ami qui l’aide à changer de nouveau de sujet en apportant l’attention sur les pâtisseries qu’il a apporté.

« Ah oui ! Tu as raison, mangeons tant qu’ils sont encore frais. »

Elle laisse Philip ramener la boîte vers eux pour prendre chacun une part de gâteau. Lolly ne dit rien pour le moment, laissant le temps de déguster chacun leur Louise Cake. Seulement après quelques bouchées, elle n’arrive plus à supporter le silence, cela laisse trop de place à ses pensées qu’elle préfère taire. Alors, elle se racle la gorge pour attirer l’attention de Philip pour ensuite lui demander :

« Tu voudras qu’on fasse quelque chose en particulier aujourd’hui du coup ? Pour ta cousine toujours ? Je peux toujours te montrer quelques tips en maquillage ou alors un peu de nail-art ? Enfin c’est comme tu veux... On peut très bien simplement discuter, on est pas obligé de faire ce que j’aime moi ou pour ta cousine, on peut faire quelque chose pour toi non ? »

Lolly ne se rend pas forcément compte à quel point ses paroles peuvent peser pour Philip, elle n’en sait rien. D’habitude, elle s’en fiche un peu d’imposer ses centres d’intérêt, de monopoliser toute la conversation pendant des heures. Mais avec son ami, c’est différent. Elle se retrouve un peu en lui, et elle ne veut pas qu’il s’efface pour la laisser briller, Lolly n’a pas besoin de ça. A la place, elle aimerait bien connaître un peu plus Philip, savoir ce qu’il lui plait vraiment et elle ne pense pas que le nail-art en face partie selon elle.

Lolly patiente, elle a tout son temps. Avec Philip, elle a tellement été mise en avant que finalement, aujourd’hui, elle préfère peut-être que ce soit lui qui le soit et elle plutôt à l’écart. Alors elle continue sa part de gâteau silencieusement, lui jetant un petit coup d’œil vers lui tout en l’écoutant parler, l’entendant dire qu’il aime bien quand elle lui parle maquillage, qu’il trouve ça intéressant. Elle acquiesce pour lui montrer sa dernière attention, avalant enfin sa dernière bouchée du gâteau qu’elle a trouvé succulent. Elle ne dit rien pour le moment, laissant Philip lui poser toutes les questions qu’il avait sur le vaste sujet du vernis. Au fond, elle aurait peut-être préféré que Philip lui parle de lui, qu’il lui dise ce qu’il aime vraiment parce qu’à part trouver des idées pour sa cousine, Lolly ne sait pas vraiment. Mais elle l’accepte, ce n’est pas très grave finalement et surtout, elle ne veut pas chercher quelque chose qu’il n’a pas envie de donner ou dont il est pas prêt à dévoiler, tout simplement. Ça viendra peut-être un jour.

« Attends, je vais te chercher tout ça et je vais tout t’expliquer, tu vas voir c’est plus simple que ça en a l’air ! Et oui, le nail art c’est encore autre chose mais ça reste du vernis grossièrement aussi. »

Elle se lève du canapé et laisse Philip tout seul le temps de quelques minutes. Elle va d’abord dans la cuisine pour se nettoyer les mains, récupère de quoi s’essuyer les mains pour Philip aussi, mais avant de revenir elle va dans sa salle de bain pour récupérer son petit meuble de rangements à roulette où elle y met tout son matériel pour les ongles. Elle a dû investir dans des rangements à force d’en avoir et elle n’est pas peu fière de sa trouvaille. Ça lui permet de retourner dans le salon tranquillement en faisant rouler son joli meuble avec elle, toute sourire. Elle se réinstalle à côté de lui et sort quelques vernis pour les poser sur la table basse face à eux.

« Alors, pour répondre à tes questions... Ça c’est du vernis normal, et ça du vernis gel. En apparence ça semble être la même chose seulement, le vernis gel tu peux considérer ça comme un entre-deux avec le vernis basique et les faux ongles ! C’est du gel, d’où le nom, que tu appliques sur ton ongle et qui va se solidifier quand tu le passes sous une lampe UV que j’ai là... »

Elle pointe du doigt tout ce qu’elle mentionne et continue de lui expliquer, ce que c’est la base, puis le top coat. Lolly est enfin partie dans es explications et ne s’arrête pas, même si Philip a lâché en cours de route. Surtout, elle a bien vite oublié qu’elle voulait que son ami s’ouvre un peu plus à elle, mais ça, elle n’ira le regretter que plus tard. De toute façon, elle revient très vite vers lui en reposant ses yeux sur lui et elle demande :

« Après tu sais, le vernis c’est pas que pour les filles ! Les garçons aussi peuvent en mettre, j’en ai déjà vu. Souvent c’est du vernis noir mais ça peut être autre chose. Des fois, se vernir les ongles peut palier à l’envie de les ronger. » Elle murmure ces derniers mots, lui adressant un petit sourire tendre. Elle ne veut pas le mettre mal à l’aise, mais Lolly sait ce que c’est de se ronger les ongles, elle le fait aussi, des fois. « Sinon le nail art, c’est quand tu fais des dessins sur tes ongles globalement, comme ce que je me suis fait là sur moi tu vois, des petites fleurs ! Tu veux qu’on essaye ? Je peux vernir tes ongles aussi si tu en as envie, mais te sens pas obligé je peux faire sur des faux ongles pour tester. »

Lolly parle beaucoup, peut-être trop même, mais elle veut tant pouvoir partager sa passion à Philip, pouvoir le rassurer sur le fait que lui aussi peut se laisser tenter et finir les ongles vernis. Seulement, elle se retient tant bien que mal, elle ne veut pas le forcer. Peut-être qu’il n’a tout simplement pas envie et que c’est seulement pour cette soit-disante cousine qu’il s’intéresse à tout ça, mais Lolly a envie de croire que c’est plus que ça. Elle le regarde prendre quelques vernis de sa collection entre ses doigts pour les observer, et elle espère, les contempler. Puis son regard se repose sur lui lorsqu’il lui répond à sa proposition, immédiatement, ses yeux brillent d’excitation. Elle n’aurait pas imaginé qu’il serait d’accord aussi facilement, mais ce n’est pas une occasion qu’elle va laisser filer.

« Oh ! Parfait, ce n’était pas obligé mais si tu en as envie aussi, ça me fait trop plaisir. »

Lolly sourit grandement et se rapproche directement de Philip. Elle réfléchit à ce qu’elle pourrait lui faire, attrape quelques vernis et autres ustensiles pour le nail art. Elle oublie tous ses tracas, cette fameuse cousine inconnue également, et elle ne pense plus qu’à son hobby qu’elle va pouvoir montrer en direct à Philip. Elle secoue la tête lorsqu’il lui demande s’il doit faire quelque chose de particulier et elle répond, la voix légère :

« T’inquiètes pas, tu n’as rien à faire, à part attendre ou me dire les couleurs qui te feraient plaisir ! Je m’occupe de tout et c’est pas grave si tes ongles sont un peu rongés, ça ne se verra plus quand ils seront recouverts par le vernis. Je vais mettre du classique, et je te laisserai du dissolvant comme ça tu pourras enlever quand tu veux. »

Elle pense à tout et ne veut rien laisser passer. Elle attrape la main de Philip la plus proche délicatement entre ses doigts. De l’autre, elle ouvre machinalement le petit pot de base, qu’elle applique en premier minutieusement sur ses ongles pour les protéger des autres couches de vernis. Elle acquiesce d’abord à la nouvelle question du garçon, se mettant à rire ensuite.

« Bien sûr. Au départ je me les faisais dans un salon mais ça reste assez cher, donc pour le bien de mes économies j’ai fini par apprendre toute seule ! Il m’a fallu de l’entraînement, mais à force ça vient tout seul. Et toi tu as un hobby comme ça où tu as tout appris tout seul ? » demande-t-elle, s’attaquant à l’autre main. Une fois fait, elle regarde les couleurs qu’elle pourrait mettre sur ses ongles. « Hmmm... Je pense je pourrais te faire des petites fleurs, j’espère que tu aimes bien ! Tu vas voir c’est pas compliqué à faire. »

Elle prend quelques vernis, montrant à Philip pour avoir son accord sur les couleurs qui peuvent lui plaire comme fond. Puis, elle attrape un jaune et un blanc pour les petites fleurs ensuite. Elle attaque la base avec la couleur choisie par son ami et fait bien attention à ne pas dépasser pour que ce soit le plus impeccable possible. Elle ne parle plus le temps qu’elle applique la couleur sur chaque ongle et une fois fait elle demande à Philip de faire attention le temps que ça sèche. Ensuite, elle prend un autre ustensile pour pouvoir faire des petits points et prends le jaune pour faire les premiers points et ensuite le blanc pour faire les pétales autour. Les minutes passent et elle termine son travail en appliquant une dernière couche avec le top coat pour terminer le rendu, levant les mains en l’air une fois fini.

« Et voilà !  J’espère que c’était pas trop long mais voilà. Ça te plait ? Tu peux me dire non, je le prendrai pas mal, comme je t’ai dit il y a du dissolvant si finalement tu préfères quitter mon appartement les ongles nus. »

Lolly aime en apprendre un peu plus sur Philip, cela lui donne l’impression d’être un peu plus importante pour lui. Lui qui est pourtant si secret, Lolly a l’impression d’apprendre à connaître une facette inconnue que personne d’autre ne connait. Cela lui fait plaisir, elle aimerait en savoir plus. Mais elle lui laisse le temps, autant qu’il en faudra pour qu’il s’ouvre un peu plus, comme ces petites fleurs blanches qui naissent au fur et à mesure des coups de pinceaux sur ses ongles. Après quelques minutes silencieuses, Lolly termine et elle est fière d’avoir pu faire naître un sourire qui a l’air si sincère sur les lèvres de Philip. Sans hésiter, elle le lui rend les yeux brillants, puis elle rit doucement.

« Ah, vraiment... Tu me flattes trop, Philip. Mais si tu aimes ça me fait plaisir, comme je t’ai dit à force de s’entraîner je m’y suis habituée. »

Elle lui laisse le temps de contempler ses ongles désormais colorés et fleuris, en profitant pour réorganiser son rangement. Elle sait que si elle ne le fait pas maintenant, elle ne le fera jamais. Elle range un à un les pots de vernis qu’elle a refermé soigneusement, puis à ses côtés elle entend son ami lui adresser de nouveau la parole.

Il faut que je te dise un truc, dit-il.

Son sourire fâne sur ses lèvres. Elle lui lance un regard curieux et innocent, mais au fond son coeur se serre. Lolly sait d’avance que ce genre de phrase, ça ne présage jamais rien de bon. Elle n’a aucune idée de ce que Philip pourrait lui avouer, mais elle appréhende tout de même. Peut-être que finalement, il lui a menti et n’aime pas ce qu’elle lui a fait, qu’il a honteusement menti ou pire encore, qu’il n’a plus envie de la voir, qu’il n’est là que par politesse. Cela peut arriver et Lolly ne peut rien y faire, mais elle n’a pas envie qu’une telle chose se produise. Elle s’apprête à lui dire que ça ne sert à rien, qu’il peut partir si il veut, il n’a pas besoin de lui dire la terrible vérité. Mais il reprend la parole en premier et tout ce que Lolly trouve à dire c’est : « Oh. »

Elle reprend le silence, se doutant que ce n’est pas la seule chose que Philip veut lui avouer. Ses lèvres se pincent entre elles, elle baisse les yeux un instant. Il lui faut du temps pour avaler toutes ces nouvelles informations. Lolly se sent naïve, d’avoir écouté et cru aveuglement les dires de son ami, mais elle ne pouvait pas s’en douter. Puis, quand il lui dit qu’il passe pour le pire ami du monde, elle ne peut s’empêcher de rire. C’est sûrement la nervosité qui ressort, elle qui s’est imaginé les pires scénarios en l’espace de quelques secondes seulement. Au final, ça aurait pu être pire.

« Tu n’es pas le pire ami du monde. J’ai connu bien pire ! » répond-elle d’abord en secouant la tête négativement. « Je me disais bien que c’était curieux que tu viennes me voir moi pour une cousine inconnue, mais je n’ai jamais voulu douter de toi. Forcément, ça me touche que tu aies eu peur que je te juge... Mais merci. De m’avoir finalement dit la vérité. Je suis contente de te les avoir vernis aussi, si ça signifie beaucoup pour toi. »

Quelque part, Lolly n’est pas certaine que ce soit juste ça, pourquoi avoir peur d’aimer une chose comme une autre ? Lolly lui avait dit, que les garçons aussi pouvaient se venir les ongles, les garçons aussi peuvent aimer le shopping ou prendre soin de leurs cheveux. Lolly n’est pas aussi naïve qu’elle pense l’être et elle devine, qu’il y a quelque chose de plus, quelque chose que Philip ne veut pas ou n’ose pas encore dire. Mais Lolly est trop curieuse pour passer à côté, elle sait qu’elle ne le jugera jamais. Et s’il a eu peur de le lui dire à elle, est-ce qu’il a réussi à en parler à quelqu’un d’autre ? Elle veut être une bonne amie, et être à l’écoute si elle a besoin d’évacuer. Alors, elle demande, doucement :

« Mais... Pourquoi tu avais peur ? Est-ce que ces ongles vernis, ça veut dire quelque chose de plus pour toi, que juste un hobby que tu pensais ne pas avoir le droit d’aimer, toi ? Tu peux tout me dire, tu sais. Jamais je ne te jugerai, au contraire, je préfère largement que tu me dises la vérité plutôt que tu te caches derrière une fausse cousine ! »

Mais peut-être que ça faisait un peu beaucoup pour aujourd’hui, il avait déjà dû beaucoup y réfléchir pour réussir à assumer qu’il avait menti déjà depuis plusieurs semaines. Lolly sourit finalement et pose une main sur son poignet pour le rassurer.

« Enfin, c’est que si tu veux... On pourra en reparler une autre fois si tu préfères, et faire d’autres activités aussi cette fois-ci qu’entre toi et moi, sans cousine qu’on ne mentionnera plus jamais. Comme du shopping, qu’en dis-tu ? »

Il semble que ce soit un soulagement autant pour Philip que pour Lolly. Elle a eu peur, d’en avoir trop fait, d’avoir été trop obstinée avec lui jusqu’à ce qu’il ne veuille plus être son ami. Lolly est particulière, elle manque souvent de tact et a un caractère bien trempé qui ressort toujours malgré elle. Elle est donc bien différente de Philip, elle le pense, mais parfois les opposés peuvent s’attirer, puis, se trouver des points communs. Alors Lolly était rassurée de savoir que tout ce qu’elle aime, au fond ça plait aussi à Philip, ça veut dire quelque chose pour lui, ou pour *elle*. Lolly est aussi touchée que Philip puisse se confier à elle, elle se sent importante, elle sent qu’elle peut avoir de la valeur pour quelqu’un, qu’elle peut enfin être utile dans sa petite vie. Toutes ces petites choses, ça la soulage, ça lui fait plaisir et elle ne peut pas s’empêcher de sourire.

« D’accord, prends ton temps, rien ne presse. Je peux comprendre à quel point c’est dur, de se chercher... Je suis contente si je peux t’aider et si tu as encore besoin de te confier sur tout ça, je suis là. Tu n’es pas tout seul. »

C’est une évidence. Lolly veut le rassurer autant qu’il le faut, montrer qu’elle est là parce qu’elle sait à quel point c’est important de ne pas laisser quelqu’un tout seul dans des moments comme celui-ci. Elle sera là, autant de temps qu’il le faut et ça ne la dérangera pas, au contraire. Elle propose d’ailleurs une autre activité pour permettre à Philip de savoir qui il est, du shopping. Elle se dit que peut-être ça l’aidera à savoir qui il est vraiment, de voir des tas de vêtements et autres accessoires, voir ce qui peut lui plaire vraiment sans se bloquer dans une case. Lolly veut faire les efforts nécessaires pour aider Philip, mais ce sera tout pour aujourd’hui.

Il lui dit que la prochaine fois, il mettra des mots plus concrets sur qui il est, sur ses pensées enfouies qu’il finira par lui dévoiler. Lolly acquiesce d’abord silencieusement. Derrière Philip, elle voit le soleil qui commence à se coucher à travers la fenêtre. Elle n’a pas vu le temps passer à ses côtés, à lui vernir les ongles pour ensuite avoir une conversation un peu plus personnelle, plus intime aussi. Mais tout finit bien. Elle repose ses yeux sur Philip, lui sourit doucement en serrant un peu plus son poignet entre ses doigts.

« J’attendrai patiemment la prochaine fois alors... Il commence à se faire tard, je ne vais pas te garder chez moi plus longtemps. » chuchote-t-elle avec un petit rire. « Puis, j’imagine qu’il te faut du temps pour y réfléchir à tout ça tranquillement sans que je te colle. Merci encore, de m’avoir dit tout ça. Tu me diras quand tu seras prêt, et on se préparera cette journée shopping, rien qu’à deux. »

Puis elle se lève enfin du canapé, pour aller rejoindre la porte d’entrée. Quand Philip la suit, elle l’attrape dans ses bras pour l’enlacer le temps de quelques secondes. C’est sûrement la première fois que Lolly est aussi tactile avec son ami, mais elle ne saurait pas mieux le remercier. Elle lui tapote finalement le dos et s’écarte d’un ou deux pas, toujours souriante.

« Voilà, rentre bien Philip, on se reverra ! »

Sur ses mots, elle le laisse partir, lui fait un dernier au revoir du signe de la main avant de refermer la porte dès qu’il n’est plus dans son champs de vision. Cela aura été une journée mouvementée, mais Lolly se sent légère et se dit qu’elle est peut-être pas une si mauvaise amie qu’elle le pense, au final.